« ?Pénible, lourd, exigeant l'effort du muscle et du corps
astral, mais cela est possible: décoller du pays, se décoller de sa terre et
prendre l'altitude Ibn Khaldoun. Le bonhomme de nationalité UMA qui a écrit,
comment on ne peut pas marcher sur la lune juste en regardant les semelles des
tribus de son époque. C'est cela : prendre l'altitude Ibn Khaldoun, sa grimace
amère, son voyage d'Orient et d'Occident et son service involontaire pour Tamerlan.
Et écrire une introduction. A quoi ? A l'encyclopédie que chacun peut lire en
Algérie en allant chez le coiffeur, le mécanicien, le dentiste et le café du
coin mort. En 22 volumes reliés par la peau de chacun: encyclopédie du
pessimisme avec, en annexe, le manuel du déboisement. On y retrouve les sucs et
les hormones ternes en ordre alphabétique, les animaux étranges que laissent
pousser les cafés solitaires et les cigarettes sans amis. Et les définitions
précises de chaque grimace, dent tombée, faciès plié en quatre, veste sans sou.
Les dessins de couteaux qui traversent le ciel, de la main à l'allumette. Donc,
c'est cela : il faut se faire Ibn Khaldoun pour supporter le Maghreb
d'aujourd'hui, la Tunisie Ghanouchie et le sud illuminé par un 4x4 et un dieu
venu du nord du sud. Regarder ces faux pays comme des tribus qui collectionnent
les chevaux et les rancunes et les débâcles et les annonces de Djihad. Les
vieilles histoires que personne ne voudrait épouser et les crevasses entre
générations, cimetières et étincelles, demain et remake. Se draper comme le
bonhomme de la grotte de Frenda et comprendre qu'il ne sert à rien de bouger le
doigt pour une main amputée, regarder avec sagesse le déclin et l'aube, le
cheval et le baril, la rapine et la décadence. C'est mon rêve philosophie, une
sorte de hargua par le haut, tirant la tête vers l'introduction à la
lévitation. Obligeant la chaussure à apprendre l'astrologie. Complexe ? Que non
! Juste une façon d'expliquer que le carburant peut être fabriqué avec ça.
En bas de la grotte, le reste : peuplades enturbannées,
cultivant la décadence comme une culture, roitelets piètres, mosquées poussant
le front au sol et la raison vers l'abdication et Ibn Rochd vers le visa. C'est
mon rêve: écrire comme Ibn Khaldoun, mon manuscrit sur les recettes de cuisine
carnivores et les mélanges bêtes et les routes sans fin : la folie des tribus
et leurs petitesses et leurs fanatismes. Ibn khaldoun avec une page facebook,
aimant MC Solar, la cardiologie, le voyage astral, les livres, les jardins zen
et le dégonflement des nationalismes et des fausses indépendances. Ah ce vieux
fantasme de pouvoir regarder les «arabes» pour ce qu'ils sont, du président au
portier : tribus bavardes, vaniteuses mais sans issus hors du Sahara. Grandioses
dans les révolutions, tellement bêtes dans la paix. Oisives quand il n'y a pas
de sang. Inventer une sociologie nouvelle, avec le regard d'ibn Khadldoun. Car
on vit son époque : instable, sourde, régressive, fragile du roi et des
frontières, visée par les mongols blancs et les fous bruns, vaniteuse. Un
traité sur la néo-assabiya? ah que cet homme est proche de nous, comme penché
sur l'épaule de chacun?»