Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Afrique-Turquie : Les journalistes emprisonnés, le Mali et «les affaires internes»

par Notre Envoyée Spéciale A Ankara: Ghania Oukazi

Le vice-Premier ministre turc a reconnu que 91 journalistes sont emprisonnés dont 63 le sont pour des faits liés au terrorisme.

Bülent Arinç a assisté jeudi à la clôture des travaux du 1er forum turco-africain qui s'est tenu pendant deux jours dans la capitale turque. Il s'est prêté au jeu des questions réponses durant un laps de temps assez court par rapport au nombre de journalistes qui tenaient à l'interroger. «Je ne peux répondre qu'à quatre ou cinq questions parce que j'ai un avion à prendre pour aller à Bursa», a-t-il lancé. Il a été tenu quand même de répondre en premier à une question qui brûlait aux lèvres des nombreux journalistes venus du continent africain pour assister à un forum que les responsables turcs veulent comme «plateforme de rapprochement entre les médias des deux parties en faveur d'un renforcement des relations politiques et du développement économique». Les journalistes turcs emprisonnés ont beaucoup inquiété les hôtes africains d'Ankara. «Je sais que cette question est importante pour vous et l'est pour nous aussi pour y répondre», a commencé le vice-Premier ministre par dire à propos de la situation des journalistes turcs emprisonnés. «Certaines institutions disent qu'il y a 100 journalistes ou plus en prison, vous savez que la Turquie combat le terrorisme depuis plus de 30 ans, nous avons perdu hier (mercredi, ndlr) un soldat et nous avons perdu plus de 1000 personnes, des professeurs d'université, des femmes, des enfants, depuis que nous luttons contre le terrorisme,» a-t-il affirmé.

Il rappelle qu'en 1990, la Turquie a élaboré une loi condamnant toute personne se prêtant à l'apologie du terrorisme et de ses auteurs «même si ce sont des journalistes». A ce sujet, il s'empresse de préciser qu' « aucun journaliste n'est emprisonné pour des écrits de presse. Ceux qui sont en prison le sont pour des faits liés au terrorisme», a-t-il déclaré. Le responsable turc fait alors savoir que «j'ai une liste de 91 personnes emprisonnées à cet effet qu'on dit journalistes mais il faut que vous sachiez que 6 seulement parmi ces personnes ont la carte nationale de presse, une carte que le gouvernement turc délivre sur la base de critères précis, qui accorde des avantages au journaliste mais lui impose des obligations». Les personnes emprisonnées le sont selon lui pour des chefs d'inculpation qu'il tient à citer : «assassinat de personne avec une arme volée d'un policier, agressions, vols, menaces de mort, racket, falsification de documents officiels, détention de matières interdites, achat illégal d'armes et de munitions, le tout au nom de l'organisation du PKK, et face à ses crimes, la justice se doit de réagir». Bülent Arinç souligne encore que «sur les 91 personnes emprisonnées, 63 le sont pour avoir commis ces crimes et 6 le sont pour avoir aidé le PKK et 2 pour l'avoir fait à un autre parti marxiste-léniniste». Il indiquera pour convaincre que «la Turquie est un Etat de droit, ces crimes sont jugés par la justice même si c'est un journaliste qui les commet».

A une question sur « les possibilités turques d'aider le Mali à lutter contre le terrorisme islamiste», le vice-Premier ministre turc répond : «Le terrorisme ne peut pas avoir de croyance ou de couleur, c'est pour cela qu'il ne faut pas parler de terrorisme islamiste, l'Islam n'accepte pas qu'on tue des êtres humains, l'Islam c'est la paix, le cœur, l'amitié, la compréhension. Un terroriste ne peut pas être un musulman, c'est son acte qui l'identifie comme terroriste et non sa religion.» Il promet aux Maliens qu' «on doit définir le terrorisme en commun et le combattre ensemble».

Un journaliste somalien a demandé au responsable turc d'intercéder auprès des autorités de son pays pour, a-t-il affirmé, «mettre un terme à l'impunité qui y règne». Il a fait savoir que «22 journalistes somaliens ont été assassinés en toute impunité sans que le gouvernement ne réagisse». Il avouera au vice-Premier ministre turc que «nous avons besoin d'une voix démocratique forte comme la vôtre et celle de votre pays pour nous aider à mettre fin à ce massacre, je vous demande d'interpeller le gouvernement somalien pour arrêter ces meurtres». Ce à quoi Bülent Arinç répond «la Turquie fait des efforts pour régler de nombreux problèmes, nous allons continuer à le faire». Un journaliste d'une télévision turque l'interrogera sur «les 35 articles du code militaire devant être amendés par le parlement». «Attendons qu'ils le soient par l'Assemblée avant d'en parler, il ne faut pas qu'on agace nos invités par nos affaires internes», a lancé le vice-Premier ministre quelque peu gêné.