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L'Ukraine, pressée par l'Occident de libérer l'opposante emprisonnée
Ioulia Timochenko, et menacée de voir l'Euro-2012 de football boycotté au
niveau politique, vit un cauchemar en terme d'image et de diplomatie, selon des
experts. Les relations entre l'Ukraine et l'Union européenne étaient déjà
crispées depuis l'incarcération en août 2011 de Ioulia Timochenko, condamnée en
octobre à sept ans de prison pour abus de pouvoir. L'opposante avait reçu ainsi
le soutien des Européens lorsqu'elle dénonçait sans relâche une vengeance politique
de son rival à la présidentielle, Viktor Ianoukovitch, élu en 2010. Mais
l'annonce par Mme Timochenko d'une grève de la faim, depuis le 20 avril, pour
dénoncer des violences qu'elle affirme avoir subies en prison, a eu l'effet
d'une bombe aux conséquences désastreuses pour l'image du pays à un mois de
l'Euro-2012 co-organisé par l'Ukraine et la Pologne, du 8 juin au 1er juillet.
Au moins sept présidents européens ont renoncé à se rendre en Ukraine pour
participer à un sommet de l'Europe centrale prévu la semaine prochaine. Pire,
plusieurs hauts responsables européens -tout le gouvernement autrichien et un
ministre belge- ont fait savoir qu'ils boycotteraient les matches de l'Euro en
Ukraine en signe de solidarité avec Ioulia Timochenko, qui souffre. Et aucun
membre de la Commission européenne ne se rendra en Ukraine au moment de l'Euro,
a fait savoir jeudi la représentation de l'UE à Kiev, les commissaires suivant
l'exemple du président José Manuel Barroso, annoncé quelques jours plus tôt.
D'autres pays européens, Allemagne en tête, ont menacé de faire de même. Ces
réactions ont provoqué l'ire de Kiev qui a jugé jeudi que les tentatives de
«politiser les événements sportifs» étaient «destructrices», mais le scandale
ne fait que grandir. Le coup est très dur pour l'Ukraine qui comptait sur
l'Euro-2012 -le plus grand événement international jamais accueilli sur son
sol- pour faire sa promotion à l'étranger et redorer le blason du président
Ianoukovitch.
Ce projet a totalement échoué, estime l'éditorialiste Vitali Portnikov, soulignant que le chef de l'Etat avait «ruiné la réputation» de l'Ukraine en tant que pays européen. Pendant l'Euro-2012, «les informations sur notre pays concerneront moins les matches que les personnalités qui ne sont pas venues ou celles qui sont venues mais ont refusé de rencontrer le président», prédit M. Portnikov dans une tribune. Olexi Garan, directeur de l'Ecole de l'analyse politique à Kiev, regrette pour sa part que les dirigeants ukrainiens laissent la situation se détériorer jour après jour en ignorant les appels à libérer Mme Timochenko ou de permettre qu'elle soit soignée à l'étranger, comme le propose Berlin. L'Ukraine «ne réagit pas, mais au contraire laisse la situation dans une impasse», commente-t-il. Des responsables ukrainiens admettent sous couvert d'anonymat être mal en point, mais aucune solution ne se dessine pour autant. «Les responsables ne savent pas comment se conduire», reconnaît une source proche de la présidence. «Personne ne s'attendait à ce que l'Allemagne soulève un tel tollé», ajoute-t-elle, alors que, selon des informations officieuses, Kiev voit Berlin comme le principal instigateur du boycott. Aux yeux d'un influent conseiller en communication ukrainien, l'opposition a gagné le combat. «L'équipe de bureaucrates de Ianoukovitch, peu expérimentés dans les guerres de communication occidentales, est loin d'égaler l'efficacité de Timochenko qui utilise les médias internationaux et les contacts de son parti dans les capitales de l'UE», relève ce conseiller sous couvert d'anonymat. |
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