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La France est une démocratie, la justice finira
certainement par s'intéresser, après la présidentielle, à l'affaire du
financement libyen de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007.
Mais on n'a pas besoin d'attendre ce travail pour constater que Sarkozy et ses
amis réagissent avec nervosité et s'attaquent au messager car ils sont dans
l'embarras devant le message. Cela consiste à traiter le site d'information
Mediapart «d'officine». Un lexique des régimes autoritaires paranoïaques
d'autant plus curieux que les révélations du site portent justement sur un jeu
«d'officine» Nord-Sud qui ne surprend personne.
Kadhafi, sous l'insistance de son fils Saïf Al-Islam, a sorti, à partir de 2001, le chéquier de la Libye. Il voulait voyager et planter sans problème sa tente dans les capitales européennes et il l'a obtenu. Autour du fils de Kadhafi, mélange informel de ministre des Affaires étrangères et des Finances, grenouillait une grande faune qui achetait les amis et les amitiés? La chute du régime de Kadhafi à la suite d'une guerre extérieure menée par l'Otan ne débouche pas ? seuls les naïfs y croyaient ? sur une démocratie. Elle donne sur un non-Etat avec des milices en armes qui jouent avec l'extérieur pour se placer, au mieux, dans la bataille pour le partage de la faramineuse rente libyenne. Elle a pour effet «collatéral» de déstabiliser encore plus une zone sahélienne fragilisée par la pauvreté, la faiblesse des Etats et le poids des trafiquants et des groupes armés. On peut, sans regretter le moins du monde le régime de Kadhafi, noter que le «changement» libyen est devenu le repoussoir, l'exemple à ne pas suivre, chez une bonne partie des opinions arabes. Et le régime Assad, fortement contesté par une partie importante des Syriens, joue clairement dessus. Il n'y a aucun «aspect positif», pour l'instant du moins, dans la «révolution» libyenne réalisée par l'Otan et les anciens amis de Kadhafi. On se disait cependant que les dictateurs et autocrates arabes pourraient y trouver matière à réflexion. Comme de constater dans le sort réservé à Kadhafi la preuve «sanglante» que les amitiés des dirigeants occidentaux ne sont jamais éternelles. Et qu'à la moindre opportunité, elles se muent en hostilité. L'idée était ténue. Elle postulait, naïvement, que par réalisme avec un zeste de patriotisme, les dirigeants arabes allaient comprendre que leur intégrité physique et celle des leurs étaient mieux assurées s'ils écoutaient leur population. Encore plus quand cette population les invite pacifiquement et poliment à une retraite bien méritée après services rendus. Un Etat national fondé sur le droit et les libertés, cela protège mieux qu'une démocratie étrangère en quête d'opportunités économiques? avec un activisme exacerbé dans les contextes de crise. Ce réalisme ne passe pas réellement chez les sphères dirigeantes arabes. On semble toujours croire que cela n'arrive qu'aux autres, «à Kadhafi, voire à Moubarak? jamais à nous !». Etonnante réaction de «foi» qui confirme que le pouvoir aveugle? Finalement, l'enseignement de l'affaire libyenne pourrait se faire en Europe. Nous en avons les prémices avec le trouble provoqué par les révélations ? elles ne sont qu'à leur début ? sur les relations entre le clan Kadhafi et les sphères dirigeantes françaises. Et comme ces «amitiés particulières» ne se limitaient pas aux dirigeants français mais s'étendaient à ceux d'autres pays comme l'Italie et la Grande-Bretagne, on espère que ce début de «Libye-leaks» ne restera pas sans suite. Les anciens dirigeants libyens qui ont ces documents sont animés par une volonté de vengeance. Cela n'empêche pas de souhaiter qu'un maximum d'informations sorte. L'histoire est écrite par le vainqueur, dit-on. Mais avec une information libre, les vaincus peuvent nous apporter des éclairages édifiants. |
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