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La scène politique égyptienne «en transition» a connu
un remarquable rebondissement avec l'élimination de dix candidatures à la
présidentielle dont trois représentent clairement des forces importantes: les
Frères musulmans, les salafistes et l'ancien régime qui est toujours en place.
Le général Omar Souleimane n'est pas hors course en raison de la loi votée en
urgence par le Parlement dominé par les islamistes pour bannir les anciens
dignitaires de l'exercice de responsabilités. La loi en question n'entrant en
vigueur qu'une fois validée par les militaires au pouvoir, elle ne s'impose pas
encore.
L'invalidation d'Omar Souleimane a été justifiée par le fait qu'il n'ait pas rassemblé des signatures populaires dans au moins quinze des 27 provinces du pays. Le candidat salafiste, Hazem Abou Ismaïl, a été exclu de la course car sa mère avait obtenu, avant son décès, la nationalité américaine alors que la Constitution intérimaire exige que le candidat soit de parents uniquement égyptiens. Le candidat des Frères musulmans, Khayrat al-Chater, tout comme l'opposant Ayman Nour, est victime d'une loi scélérate du régime de Moubarak qui dispose que toute personne condamnée à de la prison par un tribunal militaire doit attendre six ans à partir de la fin de sa peine avant de pouvoir retrouver ses droits politiques. Mais ce chamboulement des cartes crée une dramatisation politique sans changer les données fondamentales d'une transition qui doit culminer avec l'élection présidentielle. Dans ce jeu d'élimination ou d'écrémage, la polarisation politique entre candidats du système et ceux des «frères» reste de mise. On retrouve dans le camp des candidats du système le général Ahmed Chafiq, ultime Premier ministre de Hosni Moubarak, et Amr Moussa, ancien ministre des Affaires étrangères et très longtemps secrétaire général de la Ligue arabe. Les Frères musulmans qui initialement voulaient jouer le rôle de «faiseurs de roi» sans présenter de candidats restent toujours en lice malgré l'élimination de leur numéro 2. Ils avaient en effet pris une «assurance» en présentant Mohamed Morsi, chef du parti Liberté et Justice, en tant que suppléant de Khayrat al-Chater. Ils ont en outre la possibilité de soutenir un ancien membre de l'organisation en la personne d'Abdel Moneim Aboul Foutouh. L'élimination des candidats les plus en vue ne met pas fin à la partie de bras de fer politique qui se déroule entre l'armée, véritable ossature du régime, et les nouveaux prétendants au pouvoir incarnés par les Frères musulmans. Les Frères musulmans - très divisés sur la démarche à suivre - suscitent de la méfiance chez les militaires. Mais ils sont tout autant méfiants à l'égard des militaires. Ce qui explique en grande partie leur revirement sur le fait de ne pas présenter de candidats. Cette méfiance ne peut que s'accentuer après l'élimination de leur candidat au prétexte d'une loi indubitablement scélérate mais «légale». Les données du bras de fer politique restent cependant inchangées. Il n'y a pas de «candidat consensuel» en Egypte. Il y a un rapport de forces qui se construit entre l'ordre ancien et le «nouveau». Et l'élection présidentielle en fait partie. |
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