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L'Algérie a-t-elle fait une mauvaise lecture de la situation en Azawad ?

par Kharroubi Habib

L'inqualifiable forfait de l'enlèvement à Gao de nos sept diplomates en poste au consulat de cette ville malienne aurait-il pu être évité ? Oui à en croire l'un des responsables du MNLA, mouvement de la rébellion touareg qui a proclamé vendredi «l'indépendance» de l'Azawad. Il a en effet affirmé avoir demandé aux autorités algériennes de rapatrier leurs ressortissants et diplomates lorsque le mouvement était sur le point d'attaquer les campements militaires maliens censés protéger Gao.

Une telle opération n'est certes pas aisée compte tenu des distances, mais elle n'était pas hors de portée des capacités logistiques dont l'Algérie dispose. Se pose alors la question de savoir si les autorités algériennes n'étaient pas mal renseignées de la réalité de ce qui se passait au Nord-Mali. Peut-être ont-elles cru que l'offensive rebelle qui a chassé l'Etat et l'armée maliens était sous contrôle du MNLA, lequel ne ferait pas des ressortissants algériens des cibles. Il s'est révélé que ce MNLA a été surclassé par des groupes armés se revendiquant de l'AQMI qui l'ont évincé des villes de l'Azawad qu'il a occupé avec leur assistance militaire. La connivence entre le MNLA et les groupes fondamentalistes était pourtant patente dès les débuts de l'offensive en Azawad contre les positions de l'armée malienne. Ce qui ne pouvait pas échapper aux autorités algériennes et devait les alerter sur les menaces encourues par nos ressortissants

Les groupes fondamentalistes islamistes qui ont fait du Sahel et du Nord-Mali leur zone d'implantation n'ont jamais caché que leur cible principale est l'Algérie et qu'ils s'attaqueront à elle là où cela leur sera possible. En enlevant nos sept diplomates à Gao, le groupe qui en est l'auteur a eu très certainement pour motivation première le calcul de provoquer la rupture entre l'Algérie et le MNLA qui est susceptible malgré sa proclamation de «l'indépendance» de l'Azawad d'être sensible aux pressions algériennes pour qu'il renonce à cette option que les autorités algériennes déclarent «inacceptable». L'ont peut certes accorder quelque crédit à la déclaration de condamnation de l'enlèvement de nos ressortissants faite par le MNLA et à sa promesse de tout faire pour retrouver les otages. Or, comme l'a démontré sa perte de contrôle de Tombouctou et Gao au profit des groupes armés fondamentalistes, le MNLA est loin de s'imposer à ceux-ci, et que dans la réalité en Azawad ce sont ces groupes qui prédominent.

Déjà que la situation en Azawad était préoccupante pour l'Algérie quand le conflit opposait l'Etat malien à la rébellion touareg conduite par le MNLA, elle le devient encore plus avec l'intrusion des groupes armés alliés d'AQMI. Une situation qui doit faire douter des proclamations de ce MNLA sur sa prétendue hostilité à AQMI et aux groupes qui s'en réclament. La menace que représentent ces groupes est un argument que ce MNLA a vite fait de brandir pour faire apparaître que «l'indépendance» de l'Azawad sous son autorité est la solution qui permettrait de faire barrage à leur implantation dans le nord du Mali. L'Algérie ne s'est certes jamais désintéressée de ce qui se passe au Mali, mais l'évolution de la situation présente dans ce pays l'a contrainte maintenant à s'y impliquer autrement que par la médiation diplomatique entre un pouvoir central malien délité et une rébellion touareg aux affinités et accointances troubles et à visées anti-algériennes démontrées par l'enlèvement à Gao de nos ressortissants.