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L'Afrique de l'Ouest face au chaos malien

par Salem Ferdi

Un nouveau sommet des chefs d'Etat de la Communauté économique des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cedeao) sur la crise au Mali s'est tenu, hier soir, en marge de l'investiture du nouveau président sénégalais, Macky Sall.

Le sommet auquel participaient une dizaine de chefs d'Etat et des représentants de l'ONU, de la France et des Etats-Unis notamment, a été ouvert par le président ivoirien, Alassane Ouattara, également président en exercice de la Cedeao, peu après la prestation de serment du nouveau président sénégalais, Macky Sall. Outre le président burkinabé, Blaise Compaoré, médiateur de la Cedeao pour la crise malienne, le sommet a vu la participation de Yayi Boni, chef de l'Etat du Bénin et président en exercice de l'Union africaine (UA), de Saïd Djinnit, représentant de l'ONU en Afrique de l'Ouest et Alain Juppé, ministre français des Affaires étrangères. Les chefs d'Etat de l'Afrique de l'Ouest, mais également l'Union Africaine, font face à un double défi né de la situation chaotique au Mali. Il intervient au lendemain de la déroute de l'armée malienne qui a abandonné le nord du pays aux rebelles de l'Azawad.

En outre, la Cedeao, qui a fixé un ultimatum jusqu'au lundi pour les putschistes qui ont pris le pouvoir à Bamako pour rétablir l'ordre constitutionnel, doit décider si les annonces équivoques faites par le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo, répondent à cette exigence. Il est clair que les putschistes ont fait une déclaration de principe de rétablissement de la Constitution mais ils se donnent du temps avant de remettre le pouvoir aux civils. La Cedeao, auprès de laquelle le capitaine Sanogo s'est excusé pour l'envahissement du tarmac de l'aéroport de Bamako qui avait poussé les chefs d'Etat ouest-africains à renoncer à une mission dans la capitale malienne, estimera-t-elle que la priorité absolue doit être accordée à la situation créée par les victoires militaires de la rébellion. Celle-ci, après la prise de Tombouctou, contrôle le nord du pays d'où l'Etat malien, administration et armée, a été expulsé.

L'OPTION MILITAIRE EST DELICATE

La Cedeao, qui a déjà mis en alerte une force militaire de 2.000 hommes, devra décider de la marche à suivre face à une situation malienne chaotique. Le président ivoirien, Alasane Ouattara, a déclaré que les pays de la Cedeao étaient préoccupés par la situation au nord du Mali. "Nous tenons à l'intégrité du territoire malien. Nous mettrons tous les moyens pour stopper cette rébellion et que le Mali retrouve l'intégrité de son territoire. C'est un devoir pour la Sous-Région", a-t-il déclaré. Le MLNA dit avoir entamé la mission de "défense et de sécurisation" de l'Azawad et a demandé à la Cedeao de faire preuve de "retenue" et de ne pas envisager "l'ingérence militaire". La question est effectivement de savoir si la Cedeao envisage d'aller plus loin que l'annonce d'une mise en alerte d'une force militaire comme d'ailleurs le laisse entendre son discours affirmant qu'il œuvrera à préserver "à tout prix", l'intégrité territoriale du Mali. En tout état de cause, une reprise en main militaire du nord ne sera pas aisée.

L'armée malienne est en déroute et a laissé dans ses replis sans bataille beaucoup d'armements -y compris lourds- qui se retrouvent chez une rébellion, laquelle avait déjà fait ses "emplettes" dans les arsenaux libyens. Tout indique que la bataille sera d'abord politico-diplomatique. Et dans ce domaine, la rébellion targuie -qui a en son sein une composante islamiste suspectée d'être liée à Aqmi- paraît sans soutiens étatiques visibles.

AG GHALI: "L'AZAWAD LIBRE CONTRIBUERA A LA STABILITE"

Le chef du MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) Mahmoud Ag Ghali en est conscient. Il a publié, hier, un communiqué assurant les "Etats voisins, les populations de la sous-région et la communauté internationale que la libération de l'Azawad contribuera à renforcer la sécurité, le développement et la paix pour une meilleure intégration des peuples, des cultures et une meilleure stabilité dans la zone saharo-sahélienne". Pour l'heure, la victoire militaire de la rébellion se heurte à un mur politico-diplomatique régional et international. Paris envisageait de saisir le Conseil de sécurité pour répondre aux éventuels "besoins" de la Cedeao pour régler la crise au Mali. Le ministre français des Affaires étrangères, Alain Juppé, a estimé que la situation au Mali "se dégrade très rapidement". Il a déclaré que la France pouvait aider au plan logistique ou de la formation mais qu'elle n'enverra pas de soldats au Mali. Il s'est inquiété de la présence de groupes islamistes au côté du MNLA. L'Algérie, qui a souvent joué un rôle de médiateur dans la longue crise entre les Touaregs et Bamako, reste prudemment en retrait.

Le porte-parole des Affaires étrangères, Amar Belani, s'est contenté d'un rappel général de la position officielle appelant à une solution politique qui "favorisera le règlement de la crise institutionnelle née du coup d'Etat et relancera le dialogue entre Maliens afin de définir le règlement de la question du Nord, fondé sur les intérêts supérieurs du peuple malien et la préservation de l'unité nationale et de l'intégrité territoriale du Mali".