Cinquante ans après, les Accords d'Evian continuent
toujours de susciter autant de passion de l'autre côté de la Méditerranée. Cinquante
ans en arrière, la Guerre
d'Algérie et après avoir précipité la chute de la IVe République, menaçait
les fondements mêmes de la démocratie française avec le putsh
des généraux à Alger. Cinquante ans plus tard, la Guerre d'Algérie s'invite
dans un débat purement franco-français en devenant un thème de la campagne
présidentielle. Sinon comment interpréter cette boulimie de déclarations, de
procès d'intention et de tentatives de récupération d'une date symbole
jalonnant l'indépendance algérienne. Paris a décidé, officiellement, de ne pas
fêter la commémoration des Accords d'Evian, répondant ainsi aux désidératas des pieds-noirs, toujours nostalgiques d'une
Algérie française. A un mois du premier tour de la présidentielle, Nicolas
Sarkozy, fidèle à ses alliés qui réfutent l'idée d'une repentance, a, sans
grande surprise, annoncé, par la voix de son secretaire
d'Etat auprès du ministre de la
Défense et des Anciens combattants, que la France n'organisera aucune
commémoration nationale pour la circonstance. Dans cette tentative, que
d'aucuns assimilent à une fuite en avant dans la logique de l'œuvre
civilisatrice du colonialisme français en Algérie, il y a bien sûr le côté
comptable électif qui entre en jeu. Les positions tranchées entre la droite, l'extrême
droite et la gauche n'obéissent à aucun critère de reconnaissance de l'histoire
mais s'inscrivent bel et bien dans un schéma électoral dont l'enjeu est
d'engranger le plus de voix possible liées de près ou, par ricochet, à cette
période commune entre les deux pays. Pour la droite, les rapatriés d'Algérie, qui
ont porté De Gaulle sur les épaules avant de le vouer aux gémonies après avoir
abandonné l'option d'une Algérie française, ainsi que les harkis sont une carte
non négligeable à jouer en avril/mai. Cinquante ans sont passés et d'anciens
sigles que l'on croyait à jamais entrés dans le musée de l'histoire ont été
exhumés pour faire entendre leurs voix en jouant la carte des lobbies. La FNACA, organisation
progressiste des Anciens combattants français en Algérie, l'OAS, l'Algérie
française, reviennent en force, pas pour la commémoration en elle-même mais
pour se faire entendre à un mois de la présidentielle. «Toutes les voix sont
bonnes à prendre», semblent se dire les candidats à l'Elysée et les socialistes
n'échappent pas à cette régle générale. Prenant le
parti d'annoncer le contraire de son adversaire direct et vice-versa, la gauche
joue sur la fibre patriotique en s'alliant aux rapatriés français progressistes.
Jacques Floch, ancien député socialiste et secrétaire
d'Etat aux Anciens combattants en 2001, s'inquiétait des relents de
colonialisme qui ont accompagné la déclaration de l'Elysée de ne pas commémorer
officiellement le 19 mars. A chacun ses objectifs. Quoi qu'il en soit et
cinquante ans après, la France continue de vivre, même
épisodiquement, avec la Guerre
d'Algérie alors que chez nous, en Algérie, des pans de cette histoire
continuent d'être tus.