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Ceux qui ont lu «1984» de George Orwell peuvent constater
que la réalité dépasse
toujours la fiction
en lisant les informations sur le
gigantesque complexe chargé d'espionner tous les types de communications
possibles, installé dans l'Utah, aux Etats-Unis. Avec des moyens technologiques
superpuissants, ce complexe va tout écouter et entendre. Sauf les «dangereux suspects»
identifiés parce qu'ils n'ont ni téléphone portable ni connexion internet.
L'effrayant «Big Brother» d'Orwell paraît enfantin et archaïque à côté de ce totalitarisme indolore ? du moins jusqu'à présent ? qui se met en place et qui surveille tout le monde. Orwell ? très anticommuniste ? avait écrit son roman sur la base d'une observation du fonctionnement des systèmes du «socialisme réel» et du flicage et de la délation qu'ils encourageaient. Sa grossièreté était évidente. Son fonctionnement dépendait de la peur et de l'endoctrinement. Rien de tel avec le nouveau «Big Brother» américain. On ne cherche pas à faire taire les gens, on cherche à les entendre. Et en lisant le détail de ce dont est capable ce nouveau complexe, on est presque admiratif et très certainement effrayé. Finalement, la force de ce système est de parvenir en définitive à faire passer l'idée qu'il n'y a rien de grave à être surveillé quand on est un bon citoyen, un individu «clean». Sauf que l'histoire enseigne que les réformateurs, ceux qui veulent le changement, ceux qui cherchent de nouvelles voies, ne passent pas pour des gens «clean». La postérité peut leur donner raison, mais pour l'ordre établi qu'ils contestent, ils ne sont que de dangereux subversifs. Dans le Big Brother d'Orwel, la contrainte est visible. Dans le néo-Big Brother, elle ne l'est pas. La surveillance de l'intimité générale se fait au nom de la protection des libertés et de la démocratie. Le Big Brother soviétique d'Orwell est rugueux, sans talent. Celui de l'Utah américain est d'un tout autre ordre. Il est une sorte d'accomplissement où les gardiens de l'ordre, sans appareil policier visiblement intrusif et lourd, parviennent à tout contrôler et à surveiller très étroitement. Il suffit de communiquer pour être entendu, fiché et éventuellement classé. Et on nous annonce, déjà, que les téléphones portables de l'avenir seront capables de saisir les émotions et les humeurs des utilisateurs. L'avenir de l'humanité est donc «grandiose» et «paisible» avec un rétrécissement drastique des espaces intimes. Il sera difficile aux humains ? ce l'est déjà presque ? de ne pas être connectés quelque part avec un instrument qui les branche sur des oreilles informatiques qui entendent tout. Jusqu'à l'émoi d'un amoureux transi. Et l'art du totalitarisme «soft» consiste à nous informer que l'on sera sur écoute et que l'on doit savoir que le nouveau Big Brother vous écoute constamment. Et pour être écouté sans risque, il faut filer droit et éviter les idées déplaisantes pour l'ordre établi. Les moyens technologiques qui sont mis en œuvre sont destinés en définitive à faire de la majorité des humains un troupeau de gens conditionnés, formatés, encadrés par une police omniprésente - mais pas nécessairement visible, cela on le laisse pour les autoritarismes arabes - qui ciblerait avec finesse les «déviants». Le fameux «surveiller et punir» de Michel Foucault s'élargit bien au-delà des tribunaux et de la machine carcérale. On va vers la planète prison contrôlée par des geôliers du haut de miradors informatiques. Toute personne qui se déconnecte est suspecte. |
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