Triste est le sort de la Libye, l'année d'après la chute du Colonel. Incertain
aussi l'avenir de la Tunisie,
de l'Egypte et de l'Algérie. Mortel est le présent de la Syrie et du Yémen. La carte
géographique du monde arabe, en pleine mutation depuis l'allumette craquée de Bouazizi, n'en finit plus de se craqueler, de se fissurer
et de se déchirer. La Libye
de BHL n'arrête plus de crier au loup, de menacer de fermer les ambassades et
de laisser ses armes se perdre au-delà de ses frontières. Elle s'effrite, vend
son pétrole pour payer ses factures et son Est fout le camp. Chaque jour qui
passe est un jour de plus dans la longue agonie d'un pays qui n'en est plus un
depuis que BHL s'y est intéressé pour des raisons hautement humanitaires et a
sonné les trompettes de la mort. Qu'on le veuille ou non, qu'on le dise ou
qu'on meurt la bouche cousue, le régime de Kadhafi aurait pu, aurait dû tomber
sans l'intervention armée d'une France blessée dans son amour-propre. Kadhafi
aurait abdiqué, tout comme Moubarak et Benali, et la Libye n'en serait pas là
aujourd'hui à écouter le CNT de Abdeljalil promettre
l'enfer à ses voisins. Même s'il a l'appui de la Clinton mère et les ruines
à donner aux sociétés françaises à reconstruire, le pays continue de souffrir
des mêmes maux que ceux vécus sous le ciel de l'ancien régime. Le probable
démantèlement de la Libye,
rejoignant ainsi le Soudan et l'Irak et devançant la Syrie, accèlère
le processus de la mise en place de la nouvelle configuration géographique des
pays arabes avec une multitude de micro-états
incapables de faire face aux menaces extérieures. Ce que les puissances
occidentales n'ont pas réussi à mener à bien a été savamment orchestré de
l'intérieur pour dynamiter une solidarité, même de façade, façonnée dans le
nationalisme arabe. En finir avec ce ciment et s'attaquer aux différences religieuses
est une autre étape dans le démembrement de la grande Nation arabe, si elle
existe encore, qui s'entredéchire entre chiites et sunnites. La Libye puis la Syrie et l'Algérie qui n'est
pas à l'abri des apprentis-sorciers qui veulent eux
aussi d'un CNT pour se placer. Si le fort arabe est si friable, ouvert à tous
les vents de la démocratie par la baïonnette, c'est parce que ses fondements
mêmes ne sont pas solides, assis sur des bases contrefaites. Les pouvoirs
arabes, au lieu de descendre de leur tour d'ivoire et parler avec leur peuple, s'enferment
dans une logique de paranoïa, prêts à massacrer toute une population et faire
les pires concessions aux démocraties occidentales pour rester au pouvoir, un
jour de plus, un siècle de plus.