En déclarant se méfier des «succursales» d'Al-Qaïda,
Washington, à travers l'ancien général de l'USAF, James
Clapper, et actuel directeur du Renseignement national américain (DNI), organisme
sous l'autorité et le contrôle directs du président des Etats-Unis, avait
raison de s'inquiéter des retombées idéologiques prônées par la nébuleuse
islamiste et son chef spirituel Ben Laden. Si les plus médiatiques de ces bras
qui alimentent Al-Qaïda restent l'Aqmi
en Afrique du Nord, les Shabab en Somalie et l'Aqap en péninsule arabique, avec le Yémen comme centre
épicentre, ou encore le mouvement des talibans pakistanais, il n'en demeure pas
moins qu'au cours de ces derniers mois, un nouveau groupe armé, jusqu'alors
inconnu des états-majors de la lutte contre le terrorisme, fait parler de lui. Le
Mouvement unicité et jihad en Afrique de l'Ouest, Mujao, dont l'idéologie djihadiste
est puisée d'Oussama Ben Laden, du mollah Omar, chef
des talibans afghans et se référant à des figures historiques de l'islam en
Afrique de l'Ouest subsaharienne, s'inscrit en droite ligne des groupes
terroristes transfrontaliers. Pour le patron de DNI, chacun de ces groupes
visera des opérations à échelle régionale contre des cibles occidentales, donc,
on est en présence d'attaques ciblées géographiquement, à échelle réduite, tout
en sachant que la capacité de chacun de ces groupes à mener des attaques
transnationales varie largement. Le Mujao, quant à
lui, impliqué dans l'enlèvement de trois ressortissants étrangers, membres
d'ONG européennes travaillant dans des camps de réfugiés sahraouis près de
Tindouf, a revendiqué l'attentat kamikaze exécuté, ce samedi, contre le
groupement de gendarmerie à Tamanrasset, qui a fait 23 blessés selon un bilan
officiel. Selon des analystes des mouvements armés islamistes, le Mujao, qui prône le jihad en
Afrique de l'Ouest, serait une dissidence d'Aqmi
dirigée par des Maliens et des Mauritaniens. Les deux actions perpétrées par le
Mujao en l'espace de quelques mois frappant au cœur
même du dispositif sécuritaire algérien présagent d'une force de frappe non
négligeable, probablement alimentée par les armes perdues de la Libye. Et la traque
annoncée par le Polisario, aux lendemains du kidnapping des humanitaires
européens, n'aura pas porté ses fruits. Les deux otages espagnols, Ainhoa Fernandez de Rincon, originaire
d'Extrémadure, dans le sud-ouest de l'Espagne et
membre de l'Association des amis du peuple sahraoui d'Extrémadure,
et Enric Gonyalons, originaire
de Majorque aux Baléares, membre de l'association Mundabat,
et l'Italienne Rossella Urru,
membre de l'ONG italienne CCISPP, sont toujours aux mains de leurs ravisseurs
qui exigent une rançon de 30 millions d'euros. Le MAE espagnol s'est rendu au
Mali pour s'informer du sort des otages, lui qui avait déclaré, le 12 février
dernier, lors d'une visite à Alger que «l'Espagne ne ménagera pas les efforts
pour libérer les otages sains et saufs». Cette recrudescence de l'activité du Mujao a été «prédite» par James Clapper qui avait estimé
une densification d'attaques terroristes par les groupes affiliés à la nébuleuse
djihadiste. Le chef du renseignement américain a
plaidé pour une coopération plus intense avec les alliés sur place dans la
lutte contre le terrorisme pour que la décentralisation d'Al-Qaïda
se dirige vers une fragmentation du mouvement dans quelques années. Claper
considère également que la lutte antiterroriste jouera à coup sûr un rôle
prépondérant dans le devenir de ces groupes ainsi que leurs rôles dans ce qui
est appelé le mouvement djihadiste mondial. Un rôle
également éclairé par la concurrence médiatique entre les djihadistes
à mener des opérations terroristes qu'ils prévoient à l'échelle locale et
internationale.