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Les Sénégalais se sont mobilisés hier dimanche pour l'élection
présidentielle la plus tourmentée de leur histoire, après les violences
meurtrières qui ont marqué la contestation de la candidature du chef de l'Etat
sortant Abdoulaye Wade qui a voté sous les huées à
Dakar. Les tensions politiques dans un pays qui fait figure de modèle
démocratique dans une Afrique de l'Ouest instable ont fait craindre une fuite
en avant. Au point que l'ex-président nigérian Olusegun
Obasanjo, chef des observateurs de l'Union africaine (UA,)
a proposé samedi d'»échapper au chaos» en limitant à deux ans le mandat du
président sortant s'il était réélu, compromis rejeté à la fois par le camp de M.
Wade et par l'opposition qui a proposé un nouveau
scrutin sans lui. Les violences préélectorales ont fait de 6 à 15 morts et des
dizaines de blessés en un mois, et des appels au calme ont été lancés tant par
l'UA que par l'ONU à la veille du scrutin.
Le président Wade, accompagné de son fils Karim et de sa fille Sindiély, a voté dans le quartier du Point E sous les huées de centaines d'opposants que n'ont pu couvrir les applaudissements de dizaines de ses partisans et des membres de sa délégation. Il est très vite reparti après avoir accompli son devoir électoral, sans faire de déclaration aux nombreux journalistes présents. Un de ses principaux adversaires, son ex-Premier ministre Idrissa Seck, a voté dans sa ville de Thiès en affirmant à la presse locale qu'il «y a une candidature illégale» que les électeurs «doivent éliminer de leur choix», en référence à celle du président Wade. Bien qu'aucun taux de participation officiel n'ait été publié, journalistes et observateurs ont pu constater que de longues files d'attente s'étaient formées hier matin devant les bureaux de vote, tant à Dakar et ses banlieues que dans plusieurs villes de province. «Je trouve que c'est réjouissant de voir tant de citoyens sénégalais qui sont là pour aller voter, qui attendent leur tour calmement», a déclaré Thijs Berman, chef des observateurs de l'Union européenne (UE) qui s'est rendu dans un centre de vote à Khar Yalla, un quartier populaire du nord-est de Dakar. Des centaines d'électeurs attendant dans le calme leur tour de voter ont également été vus dans les grandes banlieues populaires dakaroises de Guédiawaye et Pikine, mais aussi dans les villes de Saint-Louis et Ziguinchor, une des principales villes de Casamance. «Jusqu'à maintenant, je prie et j'espère que ce que nous avons vu dans les deux bureaux de vote que nous avons visités se répétera dans chaque bureau à travers le pays», a déclaré Olusegun Obasanjo, ajoutant: «Si c'est le cas, je crois que nous pourrions avoir une élection pacifique et honnête». Toutefois, dans plusieurs localités du département de Bignona, en Casamance, région en proie à une rébellion indépendantiste depuis 30 ans, les bureaux n'avaient pas encore ouvert en milieu de matinée en raison de menaces de rebelles, selon des témoins. Quelque 5,3 millions d'électeurs sont appelés à choisir pour le premier tour entre M. Wade, 85 ans, élu en 2000 et réélu en 2007, qui brigue un nouveau mandat de sept ans, et 13 opposants qui jugent sa candidature anticonstitutionnelle. Les appels de plusieurs candidats, dont le président Wade, à leurs partisans afin de «sécuriser» le vote et de «protéger» leurs bulletins pour éviter toute fraude, ont fait craindre des troubles. La nouvelle candidature Wade est jugée anticonstitutionnelle par l'opposition, pour qui il a épuisé ses deux mandats légaux. Ses partisans soulignent que des réformes de la Constitution en 2001 et 2008 lui donnent le droit de se représenter. Le collectif de jeunes Y'en a marre, à la pointe du combat contre la nouvelle candidature du président sortant, très écouté dans les banlieues populaires dakaroises où il est né il y a plus d'un an, a appelé à voter «massivement» avec un seul mot d'ordre: «Tout sauf Wade». Le président sénégalais s'est dit de son côté persuadé d'avoir une «majorité écrasante» dès le premier tour, assurant qu'une révolte des Sénégalais contre lui n'est pas possible, dans un entretien à l'hebdomadaire français le Journal du Dimanche. |
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