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Extériorisation

par El-Guellil

Le bus traversait le centre d'Oran, ville somnolente, mal réveillée, aux paupières encore lourdes, résultat d'une nuit de sommeil agité à cause des machines à saouls qui n'ont pas arrêté, toute la soirée du jeudi, jusqu'au petit matin, d'éructer leur clientèle «noctambuve». Les tares-zan qui appellent à tue-tête leurs gosses pour leur balancer la clé de l'immeuble qu'ils oublient souvent. «Brahiiiiiim», ya brahiiiiim. Tout le monde sait qu'il n'a que des filles à la maison, mais c'est comme ça la «horma», torrrr !

Les voitures discothèques qui mettent à fond le dernier tube de chebba «kheyray», (attention maîtrisez bien la diction) ; on pourrait s'attarder encore plus sur ces non-nuits de repos dans les bras de l'incivilité, mais là n'est pas l'objet de cette tronche de vie.

Le bus traversait donc le centre-ville d'Oran. En plus de tous les «arrêtes», qu'on nous faisait avaler, les arrêts nids de poule l'obligeaient à une vitesse raisonnable. Pour une fois l'atmosphère dans le bus était au fou -rire général. Généralement, le vendredi matin assez-tôt, les transports publics ne font pas le plein. C'est une autre population qui les fréquente. Le silence y règne et les chauffeurs contrairement à leurs habitudes ne mettent pas de musique. Vendredi c'est une journée qui dicte un comportement autre. Comportement que l'on aurait aimé rencontrer toute la semaine. C'est dans ce silence qu'une sonnerie de téléphone déchire l'air. Une mélodie à la mode de chez les jeunes. Mélodie refoulée par les regards-oreilles et le voyeurisme auditif. «Ouah, je t'entends très bien (traduire toute la tirade en arabe, je vous en conjure) je ne suis pas sourd» et... il coupe. C'est qu'il maîtrisait très bien le clavier de son portable. Mais pour quel mobile avait-il coupé?

La remélodiejeune. Trin-trin. Il répond. «Rani fi Sig mon Dieu. Le champ est mauvais. J'arrive à peine à vous entendre.» Il recoupe. Le bus s'arrête. Terminus. El hadj descend car il s'agit bien d'un septuagénaire avec un portable dernière génération. Et le bus traverse Oran mal réveillée, aux paupières encore lourdes, commence alors la symphonie des muezzins qui appellent à la... prière que celui qui buve le fasse entre lui et sa tête et celui qui prie aille à sa mosquée sans le «m'as-tu vu», le reste ne regarde que le Tout Puissant.