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An I de la révolution: La Libye pas encore «libérée» de la guerre civile

par Yazid Alilat

Les Libyens ont fêté hier vendredi l'an I de la révolution et la fin de plus de quarante années de régime dictatorial de l'ex-Guide de la révolution, Maamar El Gueddafi, tué lors de la dernière bataille de Syrte. Pour autant, derrière les festivités marquant une ère nouvelle d'une Libye qui se veut dorénavant démocratique et tournée vers le monde, tout n'est pas encore réglé, et la révolution pas totalement achevée. Et, selon des observateurs, de gros nuages planent sur une si jeune révolution, et que le chef du Conseil national de transition (CNT), Mustapha Abdeldjalil, tente de dissiper.

Les festivités marquant l'an I de la révolution du 17 février, qui a terrassé le régime de Gueddafi, ont été plutôt sobres, et sans grand éclat. En fait, les nouvelles autorités libyennes n'ont prévu aucun programme officiel par «respect pour les familles des martyrs, les blessés et les disparus», selon des membres du CNT. Le gros de la fête nationale a été organisé après la prière du vendredi où des milliers de Libyens avaient défilé dans les grandes artères des principales villes du pays. C'est à Benghazi que le gros des festivités a été constaté, une ville d'où est partie l'étincelle de la révolution après de simples manifestations le 15 février 2011 pour dénoncer l'incarcération de l'avocat des proches de victimes du massacre de 1996 dans la prison d'Abou Slim à Tripoli, Fathi Tarbel, aujourd'hui ministre de la Jeunesse et des Sports. Le mouvement, devenu conflit armé, a fait des milliers de morts et de blessés et a abouti à la chute du colonel, fin août, et à sa mort le 20 octobre.

Les festivités ont commencé en réalité mercredi dans la ville de Benghazi. Plusieurs centaines d'hommes et de femmes se sont rassemblés autour de la grande place sur le front de mer de Benghazi, l'une des villes symboles de la révolution avec Syrte et Misrata. L'ambiance était donc à la fête. Dans le palais de justice face à la corniche, des hommes vêtus de toges blanches évoquant les martyrs ont scandé «que tu le veuilles ou non, Benghazi est la flamme» tandis que des écoliers, déguisés en anges blancs, défilaient sur le boulevard dans un concert de klaxons assourdissants. Agitant le drapeau de la nouvelle Libye, vert, rouge et noir, les habitants de Benghazi et de Tripoli ont fêté à coups de pétards et de klaxons le premier anniversaire, tandis que des mesures de sécurité exceptionnelles ont été mises en place pour prévenir d'éventuelles attaques de partisans de l'ancien régime. Plusieurs check-points ont été installés par les ex-rebelles avec fouilles des véhicules et contrôles d'identité, provoquant des embouteillages dans plusieurs quartiers de la capitale. Les festivités marquant la première année de la révolution ont été organisées un peu partout dans le pays, et à cette occasion, les responsables du CNT, dont d'anciens ministres sous l'ère Gueddafi, ont décidé d'octroyer 2.000 dinars libyens (1.760 dollars) à chaque couple marié et 200 dinars pour chaque enfant.

MONTEE DES PERILS

Pour autant, la Libye n'est pas encore définitivement sauvée du spectre de la guerre civile, qui menace plus que jamais le pays. Mercredi et jeudi, de violents combats avaient opposé des tribus dans l'oasis de Koufra, au sud-est du pays, près des frontières avec le Tchad et le Soudan. Ces affrontements ont fait plusieurs dizaines de morts. Plusieurs autres affrontements entre tribus rivales sont également signalés dans le pays, alors qu'à Tripoli plane le danger de centaines de Thowars qui refusent de rendre leurs armes, et menacent la sécurité du pays en organisant des groupes armés. Face à cette situation pour le moins dangereuse et menaçant la stabilité du pays, et sur le plan économique les exportations de brut ont repris et que la machine diplomatique libyenne a atteint sa vitesse de croisière, le président du CNT Abdeldjalil a lancé un message d'avertissement contre tous ceux qui en voudraient à la «jeune» révolution. Jeudi soir dans un discours à la télévision, il a prévenu qu'il serait «ferme envers ceux qui menacent notre stabilité». «Nous avons ouvert nos bras à tous les Libyens, qu'ils aient soutenu la révolution ou pas. Mais cette tolérance ne signifie pas que nous soyons incapables d'assurer la stabilité de notre pays», a-t-il ajouté, avant d'affirmer que «nous serons fermes envers ceux qui menacent notre stabilité. Les Thowars (ex-combattants révolutionnaires) sont prêts à répondre à toute attaque visant à déstabiliser».

Ces mise en garde sont en partie lancées à un groupe inconnu de partisans de l'ancien régime, qui a annoncé dans un communiqué circulant sur internet la formation d'un «mouvement libyen populaire national» qui dénonce notamment l'absence d'institutions pour la justice et la sécurité ainsi que la prolifération des milices armées. Le même groupe, qui se dit fier du «courage» du «martyr Mouammar Kadhafi», affirme avoir notamment pour objectifs de dissoudre les milices armées et de bâtir les institutions de l'Etat. Comme un problème ne suffisait pas, Amnesty International est également monté au créneau de son côté pour dénoncer les graves violations des droits de l'homme dans une nouvelle Libye qui se cherche encore, et où la circulation des armes de guerre fait peur pour l'avenir du pays. Pour les observateurs, il est clair que le CNT peine à asseoir son autorité sur les nombreux groupes tribaux et milices régionales qui ont essaimé pendant la guerre civile.