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Même avec une
prévision de croissance très optimiste de 4,5% en 2012, le budget de la Tunisie creuserait encore
son déficit et le chômage, 18%, ne baisserait pas. La marche inexorable vers
l'emprunt à l'extérieur pourrait devenir périlleuse avec une notation à la
lisière des conditions de taux normales. Mahmoud Ben Romdhane
redoute de donner un pronostic sur le cours de l'année car dit-il «en économie,
il existe des prophéties auto-réalisatrices».
« Nous devons reconnaître les tensions qui pèsent sur les perspectives économiques à court terme de la Tunisie». Les mots de la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, à l'issue de sa visite dans le pays, les 1er et 2 février derniers, traduisent l'étendue des défis qui attendent l'économie tunisienne en 2012. La crise économique et financière en Europe s'ajoute à l'instabilité politique et sociale du pays. Résultat: en 2011, les recettes du tourisme ont reculé de 30 %, les envois de fonds des travailleurs expatriés ont chuté, le volume des investissements étrangers en Tunisie a baissé de 29,2% par rapport à 2010, et le ralentissement des exportations a fait grimper le déficit commercial courant à 5,7% du PIB, fin octobre 2011. Quant aux généreuses promesses d'aide financière faites à la Tunisie par la communauté internationale, notamment par les pays du G8, elles peinent à se concrétiser. «Dans tous les cas, l'année qui commence sera difficile», observe l'économiste Mahmoud Ben Romdhane. «Restaurer la confiance, c'est l'enjeu de 2012», poursuit-il. Au Forum économique mondial de Davos, en janvier dernier, le Premier ministre Hamadi Jebali, issu de la mouvance islamiste qui a remporté les élections de l'Assemblée constituante, le 23 octobre 2011, s'est appliqué à dissiper les craintes des Occidentaux sur la montée de l'islam politique, et plaidé pour des investissements créateurs d'emplois. «Si la Tunisie parvient à se doter d'une bonne constitution, à rétablir la paix sociale tout en évitant que les indicateurs économiques virent au rouge, les investisseurs nationaux et internationaux pourraient sortir de l'expectative, et une reprise pourrait s'amorcer en 2013», explique Mahmoud Ben Romdhane. L'équation n'est pas simple. Pour apaiser le climat social, rendu explosif par un taux de chômage qui dépassait 18% fin mai 2011, contre 14% fin 2010, selon l'Institut national de la statistique (INS), «il faut encourager l'investissement et aider la population», dit-il. Mais «les marges de manœuvre de politique monétaire, amplement utilisée en 2011, sont désormais limitées». La Banque centrale de Tunisie (BCT) a accordé l'an dernier des facilités de crédit au système bancaire, ramené le taux d'intérêt directeur de 4,5 à 3,5% et les réserves obligatoires de 12,5% à 2%. «Nous n'avons plus ces leviers en 2012», estime l'économiste. LES DEPENSES PREVUES EN 2012 SONT DEJA EN DEÇA DU NECESSAIRE Selon la loi de finances 2012, basée sur des perspectives de croissance pour 2011 et 2012 «très optimistes», «le nombre d'emplois créés cette année équivaudra à peine au nombre d'arrivées sur le marché du travail. La situation de l'emploi ne s'améliorera pas, et s'aggravera pour les diplômés de l'enseignement supérieur, car il est plus difficile de créer des emplois qualifiés». Une situation qui fait dire à Mahmoud Ben Romdhane que «les dépenses prévues dans la loi de finances 2012 sont largement en deçà de ce qu'exige la situation du pays». Il reconnaît dans le même temps que «les marges de manœuvre de politique budgétaire sont également réduites». «La loi de finances 2012 adoptée dans la précipitation par l'Assemblée nationale constituante (ANC) fin 2011 s'inscrit dans un cadre macro-financier (le budget économique) qui n'est plus valable, explique-t-il. Il a été établi par le précédent gouvernement l'été passé et ne prend pas la juste mesure des conséquences de la crise de l'euro et de l'investissement». Avec le budget en l'état, «le déficit budgétaire pourrait avoisiner les 9-10% en 2012». «La loi de finances prévoit un déficit budgétaire de 6% du PIB, avec une croissance de 4,5% en 2012 et 0,2% en 2011. Or la croissance a été de -1,8% en 2011. Même si on enregistrait 4,5% de croissance cette année, les recettes seraient inférieures aux prévisions et le déficit budgétaire augmenterait». Pour le financer, «la Tunisie, qui n'est pas très endettée ? son taux d'endettement est de 43% du PIB-, pourrait avoir recours à l'emprunt, dit-il. Mais sa capacité à emprunter est loin d'être garantie. La note BBB-, est la dernière qui permet d'accéder au marché international dans des conditions raisonnables». Il estime donc qu'un tel déficit budgétaire est «difficilement soutenable». Limiter son envol passerait «par des choix difficiles, qui exigent de la témérité politique», au regard de la situation sociale: diminuer les dépenses en baissant les subventions aux hydrocarbures et aux produits de consommation, ou augmenter les recettes par des hausses d'impôts. Des choix cornéliens pour le nouveau gouvernement, qui «s'est engagé à préparer une loi de finances complémentaire pour la fin du premier trimestre 2012». Mahmoud Ben Romdhane se refuse à penser au scénario catastrophe. «Tout est possible, dit-il. Je préfère ne pas en parler car il existe en économie des prophéties auto-réalisatrices». |
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