Le Mawlid Ennabaoui
est plus qu'une fête, c'est un rituel qui allie réjouissance, méditation et, surtout,
jeux pyrotechniques. Les Algériens entretiennent depuis des siècles cette
commémoration. La preuve, de nombreux clubs de football algériens et non des
moindres partagent un dénominateur commun : le nom Mouloudia.
L'on peut citer le Mouloudia d'Oran, d'Alger, le
doyen des clubs, le Mouloudia de Constantine, de Béjaïa, de Saïda et la liste est encore longue pour dire
combien est chère cette fête religieuse dans le cœur de tous les Algériens. L'histoire
révèle qu'en 1946, lorsque quelques personnages, habitant le très populaire
quartier d'El-Hamri, voulurent créer l'actuel club de
football, le MCO, et en guise d'honneur, on fit appel au très vénérable Cheikh Zemmouchi, qui officiait en ces temps-ci dans l'annexe de la Madrassat
El-Fallah et à qui il donna le nom
de Mouloudia au club de football et la baraka en plus.
La fête du Mawlid était empreinte de ferveur religieuse
et d'effervescence qui duraient toute une semaine avec le point culminant le
septième jour. Les enfants se paraient de leurs plus beaux habits et les
démunis recevaient un soin particulier. A Oran, comme partout ailleurs, la fête
était synonyme de baroud et de fantasia. La confrérie Tidjania,
avec comme guide Hadj Benguesmi, arpentait en
procession toutes les ruelles de la ville nouvelle au milieu des youyous et des
chants religieux pour finir en prière et en louanges à l'intérieur de la
mosquée du même quartier populeux jusqu'aux premières lueurs de l'aube où tout
le monde pouvait entendre les tirs de fusils ou voir s'illuminer les feux
d'artifice. Ensuite, c'est au tour de Shab El-Baroud dénommés la banda Zahouania
(la bande joyeuse) et le groupe Nedjma créé par les
autochtones et, à leur manière au début des années trente, pour répondre au
faste et à l'arrogance des autorités coloniales qui fêtaient avec effronterie
le centenaire de la colonisation. Les membres fondateurs de Shab
El-Baroud, notamment la famille Ould
Ali, prenaient leur quartier au légendaire café Bendouba,
tandis que la bande Nedjma rivale avait pour chef
Hadj Rahal Benaboura. En
guise de marque identitaire, les membres de chaque groupe venant d'un peu
partout pour célébrer dans la communion une fête bien à eux, étaient vêtus à la
traditionnelle: pantalon à plis bouffant, gilet brodé, large ceinture dorée, chaussures
en cuir et chéchia rouge, tbal, ghaïta
et danse synchronisée, le tout au milieu du vacarme de la poudre. La fantasia, avec
des chevaux et des cavaliers parés de leur plus belles selles, vêtus de leurs
plus beaux costumes, donnait au spectacle l'aspect du grandiose. En guise
d'offrande finale, un gigantesque couscous est offert à tout le monde au milieu
de la place Tahtaha qui grouillait de monde ébahi par
le spectacle. El-Mawlid est toujours célébré avec la
même ferveur, mais davantage dans les places publiques et dans les chaumières.
Cherté de la vie oblige, nombre de gens ne peuvent se permettre les plats
traditionnels comme le «berkoukes», le poulet au «rogag» (ou trid), «taknata» (ou tamina) et quelques
autres mets bien de chez nous. Même si cette fête religieuse est devenue une
aubaine commerciale et de profit à grande échelle, elle a, toutefois, gardé son
aura, la joie des enfants qui aiment rivaliser d'ardeur pour épater les autres,
chacun avec ses pétards auxquels on a donné des noms aussi bizarres que mal
venus : le plus cher sur le marché est celui surnommé «canon Kadhafi» qui peut
atteindre un million de centimes, ceci sans parler des «double canon», «zenga-zenga», «merguaza», «cheitana» et d'autres appellations farfelues et aux prix
exorbitants.