Ne se départant
pas de sa fibre historique et encore moins de son sens patriotique, Meriem
Hamidat, cinéaste originaire de Sétif et établie à Paris, a présenté, mercredi
dernier au CIP Rachid Baba Ahmed, son film titré «Et nous devînmes étrangers à
notre terre» (titre original en arabe: «Ha nahnou asbahna ghoraba' an' ardina»).
Ce documentaire est réalisé et produit par Meriem Hamidat dans le cadre de la manifestation de 2011:
«Tlemcen, capitale de la
culture islamique». De par le discours «virulent» développé dans
le film via la voix off
(en arabe) de Hassan Laïj, le propos de ce documentaire percutant se veut une
antithèse irréfragable de la prétendue mission de civilisation de la France coloniale en
Algérie. Adoptant une démarche réaliste et «n'ayant pas envie de faire une
ville jolie», elle laissera sa caméra s'introduire au sein de la vieille médina en
interpellant les bonnes consciences avec un «graffiti» surréaliste «Isma'» (Ecoute)
gravé (et clamé) sur un mur d'une venelle de Beni Djemla. Avant de balayer d'autres
«vestiges» coloniaux, tels, entre autres, le musée (mosquée de Sidi Belahcène
utilisée comme dépôt pour fourrage), la mairie (construite sur les décombres de la Tachfiniya), le marché
couvert (au lieu et place de la
Quissaria), le Mechouar (amputé de ses trois résidences)?
Mettant ainsi à nu les déprédations criminelles commises par le génie militaire
sur le tissu urbain et le patrimoine culturel de la ville. Pour étayer son
propos fulgurant, Meriem Hamidat convoquera à l'écran cinq spécialistes de la question coloniale
par rapport au patrimoine et l'identité, en l'occurrence Gilles Moncéron, Laure
Blevis, Djilali Sari, Mohammed Negadi et Brahim Chenoufi ? Abstraction faite
d'autres consultants cités dans le générique dont Sid Ahmed Bedjaoui?, la production du film a
pris 6 mois de travail dont 3 semaines de tournage, précédées de deux séjours
d'« imprégnation», selon la
réalisatrice qui précisera que «c'est un sujet colossal, c'est
surtout le travail sur l'histoire qui a été long?». Côté technique, on
remarquera une alternance du sous-titrage et du doublage, du fait que la réalisatrice «ne
maîtrise pas l'arabe lors des interviews avec les intervenants». En matière de
fond musical, Meriem Hamidat donnera la part belle (ou plutôt exclusive) à la femme à travers un hawfi (M'chit
lel ourit) et un madih en chœur (Laâziz aliya sisi rassoulallah). Dans son
intervention dans le débat, Mohammed Baghli ne manquera pas de louer l'approche
historique rompant avec le stéréotype du «Coup d'éventail»: «Vous avez maintenu
dans votre film une litanie paisible dans un récit pénible». D'autres points
seront abordés à cette occasion, comme sa biographie, sa filmographie, le
doublage, le sous-titrage, l'illustration musicale, les supports iconiques, la durée de tournage, entre
autres.
Il faut savoir que
Meriem Hamidat est scénariste de télévision, réalisatrice et productrice. Née
en France, elle n'a pas oublié ses racines algériennes. Elle écrit pour «Plus
belle la vie» sur
France 3 depuis plus de 1000 épisodes. Elle a produit et réalisé «Mémoires du 8
mai 1945» (Algérie, 2007), prix du meilleur documentaire 2008 au Panorama
d'Alger ainsi qu'un documentaire sur l'Entente de Sétif. Sur sa filmographie figurent
également les camps d'internement d'Algériens en France de 1957 à 1962 et le chant du
terroir «Sraoui» dans le cadre du parrainage du ministère de la Culture. Elle est
aussi la co-scénariste
avec Luc Chaumar et Patrick Michel de la série «Famille d'accueil» (Esprit
d'entreprise). Comme elle est la co-scénariste du film Nder (2010) de Mahama
Johnson Traoré, réalisateur sénégalais.