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Tunisie : les appels de Marzouki et de Ghannouchi à la fusion avec la Libye font débat

par Sana Harb

Les déclarations faites par le président tunisien Moncef Marzouki lors de sa récente visite à Tripoli réclamant "une fusion entre les deux pays" ont fait renaître l'espoir d'une Union du Maghreb arabe (UMA). Outre les mauvais souvenirs laissés par les projets d'union passés, certains doutent même de la pertinence économique de cette option. Et pourtant? l'idée fait rêver.

A Tripoli, le président Moncef Marzouki, au risque de choquer une presse qui s'adonne au plaisir de la critique dans tous les sens a appelé à dépasser le stade la simple coopération entre la Tunisie et la Libye pour aller vers «l'indimaj», terme qui peut aussi bien être traduit par «fusion» que par «intégration». Mais le propos de Marzouki n'était pas équivoque. "Nous devons transformer deux peuples jumeaux en une seule nation, qui formera un seul territoire et une seule patrie, afin que nous puissions vivre dans la paix et la démocratie", a-t-il déclaré. Il y a sans doute une bonne part de conviction maghrébine de la part du président tunisien mais il y a aussi un intérêt économique pour une Tunisie où les urgences économiques et sociales pèsent lourdement sur la transition. La Tunisie veut être partie prenante de la «reconstruction en Libye» dont les coûts pourraient atteindre, selon les estimations du patronat français, les 200 milliards de dollars. La Tunisie dispose d'un tissu d'entreprises et d'une main-d'œuvre qualifiée qui l'habilitent à prétendre être partie prenante dans la reconstruction de la Libye, une fois celle-ci stabilisée. Ce qui est loin d'être le cas. Accueillie avec scepticisme voire avec des sarcasmes par certains médias tunisiens, l'idée fait rêver les opérateurs économiques tunisiens à la recherche de nouvelles perspectives dans un contexte de dégradation de la situation économique en Tunisie.

RACHED GHANNOUCHI APPROUVE

L'idée d'intégration a été reprise à son compte par Rached Ghannouchi, le leader du parti Ennahda, le premier parti tunisien qui dirige le gouvernement. «Nous avons soutenu cette idée il y a une quarantaine d'années avant qu'elle ne soit annulée par Bourguiba. Nous avons réédité cette proposition en 2010, lors du soulèvement de Ben Guerdane, qui a eu lieu suite à la fermeture des frontières. L'occasion est propice aujourd'hui pour sa réalisation» a-t-il déclaré au journal Al-Hayat. Le leader d'Ennahdha ne voit aucun mal «dans cette union entre deux pays fusionnels sur le plan politique, culturel et économique ? Deux pays proches par leurs peuples, leur religion, leur histoire et leurs intérêts». Les appréciations des médias tunisiens sont très contrastées. «Le marché libyen est loin de nous être acquis» estime GlobalNet qui appelle à «tempérer» les aspirations tunisiennes envers la «panacée» libyenne». Il invite à ne pas penser la croissance sur la base de «potentialités hypothétiques» d'autant que «selon plusieurs indices, la Libye ne va pas constituer, du moins dans l'immédiat, une terre d'accueil et de travail pour les Tunisiens». En réponse à Guy Sitbon, journaliste d'origine tunisienne qui reproche à Ghannouchi de croire au père Noël, Rafik Souidi défend, dans Kapitalis, l'option d'une union fédérale. Selon lui, les complémentarités économiques «sont évidentes» et «on peut être assuré que cette entité pourrait connaître un essor irrésistible avec une croissance à deux chiffres sur une longue période et constituerait à terme la locomotive de la zone Mena avec un Pnb potentiel de plus de 0 milliards».