L’interpellation de Khaled Nezzar en Suisse et son audition par la justice helvétique, suite à la plainte déposée par deux responsables de l’ex-Fis, n’a pas été sans susciter l’indignation de nombreux hauts cadres algériens, qui viennent de rendre publique une déclaration accompagnée d’une pétition signée par 177 personnalités algériennes. Intitulée «Déclaration sur le principe de non-ingérence», cette déclaration a été signée, entre autres, par des anciens ministres, des bâtonniers, des professeurs universitaires, d’anciens et d’actuels députés (ées) et sénateurs (trices), des membres d’organisation de défense de droits de l’homme, des magistrats, des avocats, des journalistes, des dirigeants syndicalistes, des présidents de clubs sportifs, des chercheurs, des professeurs, pharmaciens et médecins et docteurs d’Etat de renom, des anciens résistants, des cinéastes et réalisateurs, des anciens ambassadeurs, des directeurs d’établissements scolaires, des membres du CNES, des PDG d’entreprises, des opérateurs économiques, des directeurs de journaux, etc.. Les signataires qui se disent soucieux des conséquences néfastes sur les relations entre les deux peuples suisse et algérien, suite à cette interpellation, estiment qu’au-delà de la personne du général Nezzar, membre du Haut comité d’Etat (HCE), c’est le peuple algérien qui se trouve atteint dans sa souveraineté et sa dignité. En préambule de leur déclaration, les signataires rappellent que «depuis le début de l’année 91, les atteintes aux personnes et aux biens, les menaces sur l’ordre républicain perpétrées par les dirigeants militants et adhérents de l’ex-Fis, l’appel à la désobéissance civile, etc., avaient pour finalité l’instauration d’un Etat théocratique». Tout en rappelant «les massacres collectifs et les assassinats par dizaines de milliers qui ont été commis sans distinction contre les populations civiles, les fonctionnaires de l’Etat, des journalistes, des membres de services de sécurité, etc.», les signataires de la pétition considèrent qu’à la demande de la société civile et plus particulièrement du Comité national pour la sauvegarde de l’Algérie, et suite à la réquisition des autorités légales, l’armée est intervenue, à partir de 1991, pour soutenir la légitime défense de la République menacée et de la démocratie… «L’action des patriotes soutenus par l’ANP a évité à l’Algérie le sort tragique de l’Afghanistan», lit-on dans la déclaration. Les hauts cadres signataires déplorent que Mme la procureur fédérale ait, à priori, donné suite à la requête des deux anciens responsables du Fis demeurant en Suisse «qui, par le bais d’une plainte pour torture, entendent présenter leur organisation, aujourd’hui dissoute, comme victime du gouvernement et de son armée… , et constatent que ces plaintes, comme celles classées sans suites par le tribunal de Paris, ont pour finalité de masquer aux yeux de l’opinion internationale les crimes de l’intégrisme…». Tout en estimant qu’il est «dérisoire d’attribuer un acte de torture à un ministre de la Défense…», les rédacteurs de la déclaration estiment qu’il est évident qu’en période de trouble, si dépassements, violences ou même tortures, ces actions aussi inadmissibles et condamnables qu’elles soient, sont inhérentes à des situations extrêmes,…parfois à l’insu de la hiérarchie. « M. Nezzar ayant publiquement déclaré avoir sanctionné tous les dépassements portés à sa connaissance et, en particulier, les faits de torture qu’il a qualifiés comme une salissure qu’il faudra s’employer à effacer», poursuit la déclaration.
En conclusion, les rédacteurs de la déclaration affirment se sentir atteints dans leur dignité de citoyens algériens par l’intervention d’un Etat étranger dans les affaires intérieures de leur pays lorsque sont posées des questions telles que «de quelle manière avez-vous participé au coup d’Etat du 11 janvier 1992? ... Pouvez-vous m‘expliquer quel type de décisions a pu prendre le HCE ? Comment les décisions du HCE étaient-elles mises en œuvre jusqu’aux instances politiques du bas de l’échelle? Comment les décisions de l’état-major étaient-elles mises en œuvre?» De tels propos et agissements, affirment les signataires, sont considérés comme attentatoires à la souveraineté algérienne et au principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d’un Etat, principe indispensable à la paix, au respect mutuel et aux bonnes relations entre les membres de la communauté internationale. «Les Algériens qui ont tant souffert de la barbarie terroriste, durant plus d’une décennie dans l’indifférence du monde civilisé, sont consternés par l’approche superficielle de leur malheur par des personnes, institutions ou Etats, ignorant des réalités du pays et prétendent s’arroger le monopole de la défense des droits de l’homme. Conscients de la nécessité de préserver les relations liant les deux peuples, les signataires en appellent aux responsables de l’Etat algérien pour prendre toutes les mesures dictées par les circonstances et prier le gouvernement de la Confédération helvétique d’agir dans les délais opportuns pour mettre un terme à une procédure que ne justifient ni la réalité des faits invoqués ni les principes du droit international», conclut la déclaration.