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Quand l'ouverture du champ partisan sert les intérêts du pouvoir

par Kharroubi Habib

Bouteflika n'a jamais caché ou tu l'aversion qu'il éprouve pour le système du multipartisme qu'il a trouvé en vigueur dans le pays à son arrivée aux affaires. Faute de pouvoir en changer arbitrairement et brutalement, il s'est ingénié, tout au long de ses deux premiers mandats, à en limiter la pratique en menant une politique de recomposition du champ partisan, visant au resserrement de celui-ci et à l'étouffement des formations récalcitrantes à la mise au pas qu'elle voulait leur imposer.

Sachant cela, il est tout de même désopilant d'entendre Bouteflika déclarer en Conseil des ministres qu'il se réjouit «de la prochaine tenue des élections législatives dans une pluralité sans précédent, avec la participation d'une classe politique qui sera renforcée par de nouveaux partis et les facilitations que la loi a mises en faveur des candidats indépendants».

Que ces élections législatives s'annoncent en effet comme devant être probablement très ouvertes en termes de participation partisane, ce n'est certainement pas Bouteflika qui l'a voulu, par conviction intime que cette pluralité est un bienfait dont il ne faut pas brider l'expression. Bien qu'il s'en défende, les raisons prises en compte par lui qui vont rendre possible une ouverture plus grande du scrutin, lui ont été imposées par la pression qu'exerce sur le pouvoir le mouvement de revendication pour une plus grande démocratie politique dans le pays, accentuée par la menace d'une contagion à l'Algérie du vent de révolte populaire qui souffle sur le monde arabe. C'est donc forcé et contraint que Bouteflika s'est résolu à faire avec le multipartisme et qu'il a dû assouplir la réglementation qui faisait de l'administration aux ordres le seul juge de qui est en droit de prétendre à une activité partisane.

Le paradoxe de cette ouverture politique forcée à laquelle le pouvoir a dû se contraindre est que pourtant elle va peut-être contribuer à prolonger sa mainmise sur le pays. Cela en rendant possible l'émiettement à l'extrême du champ partisan, avec pour corollaire l'atomisation des oppositions susceptibles de constituer une alternative prônant son changement pur et simple. Déjà que les formations qui ont survécu au rouleau compresseur de la recomposition politique pratiquée par le pouvoir se distinguent par la cacophonie de leurs discours partisans et leur incapacité à s'entendre sur un minimum leur permettant d'agir solidairement en tant qu'opposants au régime et au pouvoir, il va être encore plus problématique de voir un champ partisan réuni sur cet objectif.

Contrairement à ce dont le soupçonnaient ses détracteurs, le pouvoir va très certainement se faire très permissif sur la création de nouvelles formations, quitte à en susciter en sous-main quelques-unes pour accentuer la «foire partisane» et contrecarrer ainsi l'émergence de fronts oppositionnels crédibles. Bouteflika a de l'aversion pour le pluralisme ; mais en bon tacticien, il fait avec, tout en faisant en sorte d'exploiter les errements qu'il peut engendrer en offrant à ceux qui sont susceptibles de les causer, la facilité d'émerger sur la scène partisane.

Et c'est ce scénario que les Algériens vont voir se produire au cas où la «foultitude» de formations annoncées à naître dans la foulée de la nouvelle loi sur les partis, doit effectivement éclore.