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Festival d'Oran du film arabe«Always Brando», du cinéma sur le cinéma

par Ziad Salah

Se voulant être au départ un simple témoignage sur une relation particulière avec un monstre du cinéma américain, le film «Always Brando» du Tunisien Behi Ridha s'avère en fin de compte d'une grande densité. Pour cause, son réalisateur dispose d'une grande formation sociologique et d'une immense expérience cinématographique. Il l'a démontré hier en face du public et des journalistes à la fin de la projection de son œuvre, en passant allègrement d'un chapitre linguistique à un autre et surtout en étalant beaucoup de capacités de persuasion et aussi par la dédicace à Edward Saïd, cet Américain d'origine palestinienne spécialiste de l'orientalisme. Le film relate la fascination remontant à son enfance du réalisateur pour Marlon Brando et pour ses prises de positions politiques en faveur des Indiens d'Amérique, des Palestiniens et des Arabes suite à l'attentat du 11 Septembre. Cette fascination a amené le réalisateur à connaître l'acteur américain et à être parmi les derniers à le côtoyer avant sa disparition en 2004. Mieux, Brando devait même jouer un rôle dans ce film mais sa mort en a décidé autrement. Mais une autre rencontre, avec Anis Raach, un comédien qui a des ressemblances avec Brando, a motivé la réalisation de ce film dont le réalisateur a attendu presque huit ans pour trouver les financements nécessaires pour son entreprise. Mais hormis ce côté personnel que revendique haut et fort le réalisateur, présenté sous forme de documentaire dans le film, «Always Brando» est truffé d'évocations historiques se rapportant au cinéma, de points de vue du réalisateur sur certaines questions concernant son pays. Il décrit comment se comportent les Occidentaux quand ils débarquent dans son pays pour réaliser leurs productions cinématographiques. Dans la discussion, il rappellera les événements qu'a vécus la ville de Kairouan lors du tournage du «Voleur de Baghdad». L'équipe du tournage occidentale s'est permis toutes les transgressions y compris de servir l'alcool dans un lieu de culte. Behi Ridha se déclare encore traumatisé par cette permissivité qui remonte à un demi-siècle exactement. Cependant, il précise que grâce à l'âge, il est plus nuancé actuellement dans ses jugements et ne juge pas l'Occident en bloc. D'ailleurs, la dimension fiction dans «Always Brando» tourne autour de ça.

Le producteur d'un film sur l'Atlantide, Américain homosexuel, réussira à débaucher Nabil à qui il promet une carrière cinématographique à Hollywood. Pis, il l'humiliera en le payant après l'avoir mis dans son lit, le réduisant à un vulgaire maquereau. La dulcinée de Nabil finira par se prostituer pour pouvoir aider Nabil à ramasser la somme requise pour son déplacement vers les Etats-Unis, devenue soudainement une obsession chez lui. Bref, la quiétude d'un village perdu de cette Tunisie n'ayant que ses monuments historiques à vendre aux cohortes des touristes volera en éclats dès l'installation de cette équipe de tournage parmi eux. En fin de compte, Nabil, au lieu d'avoir son visa pour les Etats-Unis, tombera sur un passeur de harraga et succombera dans sa tentative de rejoindre illégalement les côtes italiennes.

Behi Ridha se défend d'avoir produit un film engagé ou un film à message. Se référant à son expérience où apparemment «La boîte aux merveilles» tient une place particulière, il se contente de revendiquer son droit au témoignage, à évoquer et donner à voir ce qui lui tenait à cœur depuis longtemps. Humilité ? Pas forcément. C'est beaucoup plus l'aboutissement d'une trajectoire de militantisme et qui débouche en fin de compte sur l'appropriation de soi. Autrement dit, la pleine réalisation de son individualité. D'ailleurs, Behi se déclare d'ores et déjà très détaché par rapport aux prix et consécrations dans les festivals, y compris celui d'Oran. En tout cas, son film offre de multiples lectures et suscite les débats. «Always Brando» est à ranger dans la catégorie de «Alexandrie, pourquoi» de Youssef Chahine.

Par contre, le film du Jordanien Mohamed Hokchki affiche moins d'ambition. «Cities Transit» évoque le déracinement d'une élite. C'est que vit Leila qui après dix ans aux USA et suite à son divorce décide de revenir à Amman. Elle sera frappée par l'ampleur des changements. En premier lieu, au sein de sa propre famille. Son père, un ex-journaliste, abandonné par ses amis, s'est tout simplement éteint. Sa mère et sa sœur se sont bardées du hidjeb. Son ami de fac, marié, se résout aux mensonges à sa femme pour pouvoir s'offrir des moments de retrouvailles avec elle. L'islamisation rampante de la société n'a épargné aucun secteur, y compris celui des banques. Après un court séjour, jalonné par un passage dans un commissariat de police, suite à une altercation avec celui qui lui a loué un petit appartement, elle décide de revenir d'où elle est venue. Ou plutôt, dans sa tête, tout, à commencer par sa propre famille, l'incitait au «go back» résonnant très fort dans sa tête. Le film est de bonne facture sur le plan technique. Il se laisse voir parce qu'il ne charrie pas de grandes ambitions.