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Egypte: Poursuite des affrontements au Caire

par Yazid Alilat

La situation est devenue problématique en Egypte et risque de s'aggraver davantage dans les prochains jours avec les violences enregistrées depuis vendredi, mettant aux prises manifestants et forces de l'ordre, épaulées par l'armée.

Les choses en sont arrivées à un tel point de pourrissement que les manifestants campent toujours place Tahrir, en dépit de la forte présence militaire, et revendiquent ouvertement le départ des militaires, accusés de s'accaparer des «fruits» de la révolution qui a fait tomber le régime de Hosni Moubarak. Hier, les manifestations n'avaient pas diminué d'intensité, au troisième jour de la protesta cette fois-ci dirigée autant contre l'armée que contre le nouveau chef de gouvernement, Kamal El-Ganzouri, accusé d'avoir déjà servi le régime déchu de Moubarak.

Ces heurts ont fait vendredi et samedi 10 morts et près de 500 blessées au Caire. Il s'agit des plus violents affrontements entre les deux camps après ceux qui avaient précédé les élections législatives du 28 novembre, avec un lourd bilan: 42 morts. Les affrontements, essentiellement à coups de pierres, se concentraient autour d'un barrage de barbelés et de tôle installé par les forces de l'ordre sur une rue adjacente à la grande avenue conduisant de la place Tahrir au siège du gouvernement. Un mur en béton a été construit samedi sur cette avenue pour empêcher les manifestants de s'approcher du siège du gouvernement, où les manifestations suivies d'affrontements avaient débuté vendredi matin. Des manifestants ont également recommencé à installer des tentes sur la place Tahrir pour remplacer celles brûlées dans la journée par les forces de l'ordre, qui avaient repris dans la matinée le contrôle des abords du siège du gouvernement. Après quelques heures de calme, des heurts ont repris et se sont étendus à d'autres secteurs des abords de la place Tahrir, notamment un grand pont sur le Nil, avant de refluer vers l'avenue gardée par les militaires.

Le Premier ministre Kamal El-Ganzouri a mis en garde contre un risque de «contre-révolution», assurant que «ni l'armée ni la police n'avaient ouvert le feu» sur les manifestants, soulignant que «ceux qui sont à Tahrir ne sont pas les jeunes de la révolution». Les manifestants réclament notamment la fin du pouvoir militaire qui s'est mis en place au départ de M. Moubarak, visant en particulier le chef de l'armée et chef de l'Etat de fait, le maréchal Hussein Tantaoui. La grande hantise en Egypte est que les jeunes et les forces politiques qui ont chassé du pouvoir le clan Moubarak craignent que l'armée ne confisque cette dynamique d'un pays débarrassé des potentats et des dictatures militaires.

Pour protester contre cette nouvelle forme de confiscation de la révolution par les militaires, dépositaires de fait du pouvoir en Egypte, onze des trente membres du conseil consultatif mis en place par cette même armée pour dialoguer avec les forces politiques ont déposé leur démission pour protester contre la tournure prise par les événements politiques dans le pays. Il s'agit notamment de l'ancien secrétaire général de la Ligue arabe et ex-chef de la diplomatie égyptienne Amr Moussa et Mohamed Baradei, ancien directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). «Nous avons fait des recommandations vendredi, mais nous avons été surpris qu'elles ne soient pas suivies, et qu'il y ait encore des victimes samedi», a déclaré le vice-président de ce conseil, Aboul Ela Madi, dirigeant du parti islamiste modéré Wassat.

Cette brusque détérioration de la situation politique en Egypte intervient après la fin du 1er tour des élections législatives, qui ont pratiquement confirmé la victoire du parti des Frères musulmans égyptiens. Cette première phase d'un scrutin qui a commencé le 8 novembre dernier et doit se terminer en janvier 2012, dans un premier tiers du pays, a donné 65% des voix aux partis islamistes, dont 36% pour les Frères musulmans et 24% pour les fondamentalistes salafistes.