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La projection de «El Moghani» (Le chanteur), du
réalisateur irakien Kassem Hawal, s'est terminée par
un tonnerre d'applaudissements. Le film a réussi à accrocher celles et ceux qui
ont été motivés par la découverte du cinéma irakien méconnu, comparativement au
syrien. Le ton a été donné dès l'envoi du générique. Notamment par la qualité
de l'image et le passage subtile du plan direct à la contre-plongée. Il est à
préciser que le réalisateur n'est pas un novice puisqu'il a commencé sa
carrière au milieu des années 70. Déjà, le thème du film, comparativement à
celui qui l'a devancé, sauve la mise en établissant un parallèle avec la fin
des dictateurs dans le monde arabe, première conséquence des révoltes des
peuples de cette région du monde. «El Moghani» décrit
la dictature de Saddam Hussein, à partir d'une fête d'anniversaire de ce sanguinaire. Pour ce, le réalisateur jouera avec beaucoup
de réussite des contrastes pour montrer le fossé entre ce tyran et le petit
peuple. Le faste du palais présidentiel rappelant étrangement l'époque
abbasside et le dénuement de ce qui sert d'habitat au chanteur, convoqué à
agrémenter la fête du «seidi errais». Kassem Hawal ne s'embarrasse pas de verser même dans la caricature,
notamment dans la scène où les convives à la fête, pourtant faisant partie des
dignitaires du régime, sont soumis à des fouilles corporelles par crainte de
dissimuler des armes bactériologiques pouvant attenter à la vie du président
érigé en divinité. Fouilles supervisées par des caméras, manière de montrer que
l'intime n'a pas droit de cité dans l'Irak de Saddam Hussein. L'arrogance du
tyran est elle aussi signalée quand il décidera d'interrompre un spectacle de
flamenco par un autre renvoyant à la culture ancestrale mésopotamienne. Au-delà
des clins d'œil, parce que concrètement on ne peut épuiser le sujet en une
seule œuvre, le réalisateur a réussi le coup de force de montrer que ce régime
portait en son sein les facteurs de sa destruction. A aucun moment, cette fête
n'a été un moment de convivialité pour tous les présents. Un général, nouvellement
promu, se suicide, parce qu'il apprendra qu'il doit sa promotion à sa femme qui
a couché avec le Président. La femme d'un poète qui sera incarcérée parce
qu'elle a décidé de divorcer avec son mari, mettant son verbe au service de
l'éloge d'un tyran. Une jeune femme qui se fait tuer par le président parce
qu'une fois saoule, propose son corps au Président en échange d'un poste à la
télévision. Donc, de bout en bout, cette fête est entachée de sang. De cette
galerie des images de cruauté, on retiendra une, très symbolique. Celle du
chanteur, obligé de ne pas montrer son visage qui ne revient pas au président, durant
toute sa prestation. Il chantera à côté d'une immense statue du tyran dont le
bras représentera l'épée de Damoclès pendante sur les têtes des gens de la
culture et de l'art. Probablement, une manière pour le réalisateur, homme de
théâtre, de se dédouaner par rapport à ses implications vis-à-vis du régime de
Saddam Hussein. Le film, riche en métaphores, techniquement bien ficelé, mérite
d'être vu. Il peut, et de bon droit, prétendre à une distinction lors de ce
festival. A moins que d'autres considérations étrangères au septième art n'en
décident autrement.
Quant à «Damas avec mon amour» du Syrien Mohamed Abdulaziz, il doit son succès à l'actrice qui y tient le rôle principal et le porte sur les bras. Pourtant, il s'attaque à un sujet trop grave : l'attachement des juifs syriens à l'Orient, mythifié et idéalisé. Le film combine la quête de l'identité avec celle d'un amour d'enfance. Il recèle de belles séquences et offre une balade dans la ville de Damas et ses bâtisses chargées d'histoire. Le film est réalisé en 2010, c'est-à-dire une année avant les événements et les tueries qui ensanglantent ce pays. D'ailleurs, son réalisateur, pour des raisons inconnues, n'a pas assisté à la projection de son œuvre. Donc, ceux qui comptaient sur sa présence pour s'informer sur ce qui se passe dans ce pays ont été dépités. A la place, ils ont eu droit à des explications de l'actrice Hala Fakhri qui est revenue sur les événements de la qualification à la Coupe du Monde entre Algériens et Egyptiens. Signalons qu'au deuxième jour de cette édition, ce festival commence à montrer des signes d'essoufflement. Les organisateurs se font de plus en plus rares et la débandade commence à s'installer dans la salle. La présence de toutes les stars de la télévision et du cinéma algérien à Oran (en villégiature) a alerté les jeunes curieux de les voir dans le réel. |
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