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Un candidat aux présidentielles françaises de 2012 appelle à une
reconnaissance officielle par la
France des massacres des Algériens à Paris le 17 octobre
1961. Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre français et président de
l'Association France-Algérie, affirme que «seule la
reconnaissance de ces faits fera progresser la conscience». Il répondait à une
question qui lui a été posée lors d'un entretien accordé à l'APS, pour savoir
s'il reconnaîtrait ces massacres et s'il oeuvrera pour la recherche de la
vérité sur cette répression, dans le cas où il serait élu président de la
République en 2012. M.
Chevènement a alors eu cette réponse: «Déjà, lorsque j'étais ministre de
l'Intérieur, j'avais mené une enquête sur ces évènements». «Le caractère
emblématique de cette manifestation, dans le contexte politique de l'époque (la
fin de la guerre de libération), lui donne son poids et justifie qu'elle puisse
devenir le symbole de la lutte des Algériens en France», affirme-t-il.
«L'aveuglement des hommes qui ont commandé cette répression la rend encore plus
odieuse. De nombreux Français s'associent aux Algériens pour en commémorer le
souvenir.
On ne peut cependant séparer cette répression disproportionnée de tous les massacres qui ont endeuillé cette période paroxystique et dont il m'est arrivé d'être le témoin», déclare-t-il. «Nous sommes deux grands pays qui doivent être capables, l'un et l'autre, d'assumer tout le passé et regarder ensemble vers l'avenir», dit-il. Et d'appeler la France et l'Algérie à «faire bouger les lignes» et dit «comprendre la mémoire douloureuse qui pèse sur les Algériens». «Elle l'est pour tous», lance-t-il, estimant que l'origine de cette douleur «se trouve dans l'essence même du système colonial et son vice initial qui ont altéré durablement la relation entre nos deux pays». «Plutôt que chercher la cause des faits loin en arrière et chez les autres, nous servirons mieux nos patries en nous tournant ensemble vers l'avenir et en regardant chez l'autre ce qu'il y a de positif et qui peut être mobilisé dans l'intérêt mutuel», plaide-t-il. «Il y a une passion dans la relation franco-algérienne qui me paraît positive et chargée d'avenir qu'il serait dommage de laisser s'éteindre en se teintant progressivement d'indifférence», affirme M. Chevènement. Il dit «rester fidèle à l'engagement de regarder vers l'avenir, travailler à l'amitié et à la coopération de nos deux peuples, grands pays riverains de la même mer, qui s'unissent de liens humains exceptionnels». L'ancien ministre français se dit convaincu que l'Algérie pourrait contribuer à travailler à cette amitié par «quelques décisions symboliques». «C'est un travail nécessaire, incontournable, patient, difficile. Sinon la mémoire douloureuse risque d'être instrumentalisée et de produire encore aujourd'hui des effets politiques irrationnels du point de vue des intérêts de l'Algérie comme de la France», estime le président de l'Association France-Algérie. «Il ne sert à rien, poursuit-il, d'entretenir les braises d'un passé douloureux», souligne-t-il, ajoutant que c'est la raison pour laquelle il a accepté «de grand cœur, en janvier dernier, de présider l'Association France-Algérie pour désamorcer, autant que faire se peut, l'exploitation perverse de ce que vous avez appelé la mémoire douloureuse, et cela, dans l'intérêt des deux pays». Selon lui, c'est le sens du colloque qu'organise à Paris, le 17 décembre, l'association «l'Algérie et la France au XXIème siècle». «Dans le désordre international actuel, ajoute-t-il, il faut privilégier la construction d'une entente politique très large entre nos deux pays», affirme-t-il. Evoquant la question de la circulation des personnes entre la France et l'Algérie, M. Chevènement souligne qu'en 1999, en sa qualité de ministre de l'Intérieur, il avait distingué le droit au séjour régi par la loi RESEDA et le droit de la circulation des personnes «que, dit-il, j'avais considérablement assoupli.» «Le nombre de visas accordés par la France à des Algériens est alors passé en trois ans (1999-2002) de 50 000 à 250 000 visas», rappelle-t-il. «Je sais que cette politique a été resserrée par les gouvernements qui se sont succédé après 2002», déplore-t-il, soulignant toutefois que «des visas ont été détournés pour nourrir une immigration irrégulière». Pour l'ancien ministre français, «les étrangers non-résidents comme les résidents doivent respecter la loi républicaine», soulignant cependant que «celle-ci doit rester attentive aux évolutions qui ont changé les caractéristiques de l'immigration algérienne en France». «Je sais que la législation européenne tend à privilégier les migrants venant de l'Est à ceux venus du Sud. Cela n'est pas conforme à nos traditions et à notre histoire. Je suis intervenu auprès de l'actuel ministre de l'Intérieur et j'agirai demain pour que cette situation soit redressée», affirme-t-il. «La France doit rester tournée vers la Méditerranée autant que vers le continent», prône-t-il. Interrogé sur le durcissement par le gouvernement français des règles applicables aux étudiants étrangers menacés d'expulsion à l'issue de leurs études, M. Chevènement dit «ne pas partager non plus cette politique». «Bien sûr, dit-il, les étudiants algériens ont des devoirs envers leur pays, mais la France ne doit pas se retrancher hypocritement derrière la nécessité de ne pas priver les pays du Sud de leurs élites pour durcir la réglementation du séjour», critique-t-il. Pour lui, «il faut mettre l'accent sur les facilités de circulation et accueillir plus facilement des étudiants qui veulent travailler en France». «Ce sera aussi, dit-il, l'occasion pour eux de se former et d'acquérir des compétences qui seront ensuite utiles à Algérie». «Pour ma part, conclut-il, je me félicite de la contribution des Algériens et des Franco-algériens à la construction de cette identité euro-méditerranéenne, élément clé d'un avenir partagé». |
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