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Tunisie: le seul président «arabe» vraiment élu

par Kamel Daoud

La campagne indirecte contre la Tunisie en Algérie a été indécente, injuste et menteuse: certains ont vite compris qu'il- fallait faire de ce pays voisin un contre-exemple pour éviter la contagion de la révolution. Et pourtant, la Tunisie avance. On y avait prédit la catastrophe, la guerre civile, le crash, les massacres et il n'en fut rien. On a dissuadé les touristes algériens d'y aller mais ce pays reste encore debout. Ce pays continue de se construire après son « printemps », de débattre, de chercher. Ses élections ont été une leçon, ses islamistes y sont obligés au consensus et au pragmatisme, sa société civile reste vigilante et attentive, son peuple a une fierté qui le fait marcher sur la lune sans scaphandre ni NASA.

Hier, sur Nessma TV donc, ce spectacle : Moncef Marzouki, ce vieux opposant au Benalisme triomphant, est élu président de son pays. Sous les applaudissements et les félicitations émues. Certains étaient contre, d'autres critiquaient ses alliances avec les islamistes, mais l'homme est intègre, crédible, connu et vieux militant de son pays malgré les critiques. Les critiques sont une cuisine tunisienne, nous, gens du « dehors », nous retiendrons l'essentiel : c'est un moment fort et émouvant car il s'agit du premier Président d'un pays «arabe», élu, vraiment, même provisoirement, même par une assemblée. C'est la première fois depuis presque un siècle qu'un Président « arabe» n'est pas l'enfant illégitime d'urnes bourrées, de fraudes massives, de menaces, de 99% et de résultats fixés à l'avance. Moncef Marzouki ne devra donc pas s'attendre aux félicitations de ses pairs «arabes», de ses voisins ou des autres «Frères» arabes : il est une nouvelle espèce, une menace, un cas à part, une singularité. Dans le monde «arabe» asservi et dans le club des dictateurs, il sera donc mal vu car malvenu, de facto : la preuve que le Néerdenthal dictateur va disparaître par la loi d'évolution. Il est pour le moment un cas unique, le premier président d'un pays «arabe» libéré. Voir les élus de l'assemblée tunisienne debout, chantant l'hymne de leur pays, fiers de leur nouvelle chance et de la seconde vie de leur pays, est quelque chose qui rend jaloux, triste pour soi, envieux et vieux. Félicitations donc ! Puisse un jour que les Merzouki soient plus nombreux que les Assad et que finissent cette histoire horrible de sang, de douleur et de sacrifice qui nous impose le martyre avant la liberté. Puisse qu'un jour tous les présidents « arabes» soient élus, sans triche ni crime, légitimes, forts et pleins du chant des leurs et pas sournois, fous, vieillots et roitelets de leurs familles.