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Egypte: Les Frères musulmans aux portes du pouvoir

par Salem Ferdi

Les Frères musulmans organisés au sein du Parti de la liberté et de la justice confirment, à la lumière des résultats de la première phase des élections législatives, qu'ils sont la première force politique en Egypte.

Après des décennies de répression entrecoupée de périodes de «tolérance», le mouvement des Frères musulmans se trouve aux portes du pouvoir. Si on additionne les voix obtenues par les salafistes du parti Al-Nour, cette première phase des élections confirme également le poids important voire dominant du courant islamiste. Mais il n'est pas certain que les FM et les salafistes soient politiquement sur la même longueur d'onde. Alors que les résultats officiels ne sont pas encore connus, le PLJ a indiqué dans un communiqué que les « listes du Parti de la liberté et de la justice arrivent en tête, suivies par le parti Al-Nour (salafiste) et le Bloc égyptien (coalition libérale)». D'autres sources donnent plutôt les libéraux du Bloc égyptien, qui a été très soutenu dans les quartiers résidentiels, en seconde position avant les salafistes. Les estimations des résultats obtenus par le PLJ varient entre 40 et 47%. Il faudra clairement attendre les résultats officiels qui seront annoncés aujourd'hui, mais il est clair que les Frères musulmans qui ont défendu la tenue des élections, contre les manifestants de la place Al-Tahrir, l'emportent dans cette première phase. Une victoire qui devrait être confirmée dans les autres phases de l'opération électorale. Rappelons que chaque phase du scrutin se fait en deux tours dans un tiers des 27 gouvernorats du pays (plus de 80 millions d'habitants). Le scrutin de lundi et mardi a touché 9 gouvernorats, notamment au Caire et à Alexandrie, les deux plus grandes villes du pays. L'ultime phase de ces législatives s'achèvera le 11 janvier et sera suivie par des élections pour la Choura (Chambre haute consultative) étalées jusqu'au 11 mars. Les résultats officiels de cette première phase ne seraient pas annoncés avant jeudi en raison des lenteurs enregistrées dans le dépouillement qui, une fois n'est pas coutume en Egypte, s'est déroulé sous supervision des magistrats et en présence des représentants des candidats. La présence policière n'a pas été «politisée» cette fois-ci, pour reprendre la formule d'une ONG, et a donc servi réellement à sécuriser le scrutin et les opérations de dépouillement.

CHANGEMENT HISTORIQUE ET PERCEE SALAFISTE

C'est un premier changement historique dans un pays où le dépouillement se faisait de «nuit», ce qui permettait au régime de l'arranger selon sa propre arithmétique. Autre fait marquant, la participation au scrutin est un record historique et pourrait atteindre les 80% dans cette première phase. L'autre évolution est celle de la prééminence du courant islamiste présent à ces élections à travers le PLJ et le parti Al-Nour (salafiste). La seconde place que prendrait ce dernier parti serait en tout cas la plus grande surprise du scrutin. Le Dr Essam Al-Aryane, vice-président du PLJ et figure connue du mouvement, a écrit sur son compte twitter: «les Egyptiens ont parlé et ont choisi librement. Il revient à tous de respecter la volonté du peuple ». Un message politique qui ne s'adresse pas seulement aux militants de la place Al-Tahrir qui ont été débordés par le succès d'une opération électorale et dont l'appel au boycott n'a pas été suivi. Il s'adresse aussi aux militaires du Conseil suprême des forces armées (CSFA) qui avaient déclaré, à travers le général Mamdouh Chahine, que le futur Parlement n'aura aucune autorité sur le gouvernement. Si les Frères musulmans ont paru jouer avec les militaires contre la place Al-Tahrir, la situation pourrait évoluer autrement après les élections. Contre l'avis du général Mamdouh Chahine, ils ont déjà réclamé que le prochain gouvernement soit formé par la majorité parlementaire. « Le futur Parlement est supposé représenter le peuple (...) Le Conseil militaire doit charger le parti qui remporte la majorité des voix de former le prochain gouvernement », avait déclaré le porte-parole du mouvement Mahmoud Ghozlane, à la veille des premières élections post-Moubarak. Le message était clair: les «Frères» ne sont pas prêts à faire de la figuration.