Enrico Macias persiste et signe dans sa volonté
de retour en Algérie, et plus précisément à Constantine, sa ville natale. De
son vrai nom Gaston Ghenaïssia, 72 ans, le chanteur
français, sioniste convaincu, a, derechef, rendu publique son envie de voir
Constantine, profitant d'un hommage qui lui a été rendu à Montréal, en présence
des ambassadeurs israélien et français. Il dénoncera, en les mettant en garde, ceux
qu'il qualifie d'extrémistes, responsables, selon lui, de son statut
d'indésirable en Algérie. Déjà annoncé en mars 2000, le chanteur avait annulé
une tournée prévue en Algérie qui devait commencer par un grand concert dans sa
ville natale, à cause de la polémique provoquée par l'annonce de sa visite et
de la montée au créneau d'un mouvement hostile à sa venue, avec à sa tête
Abdelaziz Belkhadem, pas encore entré au gouvernement.
En décembre 2007, Enrico Macias était prévu dans les
bagages de Nicolas Sarkozy, en visite officielle en Algérie. Un retour presque
acquis mais qui capotera à quelques jours du déplacement présidentiel. A
l'époque, des informations avaient fait état que le président français avait
sciemment choisi Constantine pour permettre à son fervent supporter de réaliser
son rêve. Une visite adoubée par El Mouradia alors
que Belkhadem, chef du gouvernement, en perte de
vitesse, ne pouvait pas ouvertement s'opposer à une telle démarche, mais la
réaction de la société civile algérienne et une forte mobilisation des
associations hostiles à la venue d'Enrico Macias ont
fait en sorte de l'annuler. Les Algériens lui reprochent son indéfectible
soutien financier, artistique à la politique d'Israël et son dévouement au
sionisme et à Tsahal (l'armée israélienne). A Alger, on
affirme officiellement qu'Enrico Macias peut se
rendre en Algérie quand il veut, mais en dehors de tout tapage médiatique et
loin de toute volonté d'en faire un évènement politique. D'autres lui
reprochent une face cachée de son histoire, en pleine guerre de libération
puisque, selon certaines versions, il y aurait commis des crimes. Enrico Macias aurait fait partie d'une milice locale, les « unités
territoriales » composées de partisans de l'Algérie française, qui formaient
des milices de supplétifs de l'armée coloniale. A cette époque, Enrico Macias est un jeune artiste prometteur qui joue dans la
troupe du « Cheikh Raymond », le plus célèbre artiste juif de Constantine. Raymond
Leyris est alors au faîte de sa gloire : notable de
la communauté juive, ami des « Arabes » de la ville, il est riche et célèbre. N'ayant
pas d'enfants, il en adopte deux, dont Enrico Macias.
Les réseaux FLN avaient alors une conviction. Pour eux, Raymond Leyris avait été contacté par les services spéciaux
israéliens. Il organisait des collectes, montait des réseaux et travaillait en
sous-main avec les services spéciaux israéliens qui avaient alors un objectif :
organiser le transfert massif des juifs des pays arabes vers Israël. En Algérie,
leur première cible était Constantine, avec ses 25.000 à 30.000 juifs : il y
avait presque autant de juifs à Constantine que dans les grandes villes
israéliennes. Le chanteur avait-il réellement participé à tout cela ? A
l'occasion du premier rassemblement des juifs originaires de Constantine, qui
s'est tenu les 27 et 28 mars 2005 à Jérusalem, étaient présents, parmi de
nombreuses autres personnes : Enrico Macias, l'historien
Benjamin Stora et Nicole Guedj.
La rencontre a été couverte par le journal «Maariv »
considéré comme le 3ème des organes de la presse écrite de l'Etat hébreu. Avraham Barzilaï, âgé de 29 ans
en 1956, agent du Mossad, envoyé en mission en Algérie, racontera comment, durant
la guerre de libération, une cellule du Mossad a armé et entraîné des juifs de
Constantine pour se défendre contre des actions « terroristes » du FLN. Sous la
couverture d'enseignant de la langue hébraïque, il était sous les ordres d'un
certain Shlomo Havilio, dirigeant
du quartier général du Mossad en France. Selon « Maariv
», Enrico Macias et cet agent du Mossad semblaient
vivre des retrouvailles. A Montréal, ce dernier a souhaité animer un grand
concert à Constantine, pour, a-t-il dit, réconcilier les juifs locaux avec ses
admirateurs. Et à la presse canadienne, en date du samedi 26 novembre, le
chanteur déclarait qu'il avait été honoré dans plusieurs pays et qu'il rêvait
de l'être en Algérie où l'accès lui est interdit par des extrémistes depuis une
dizaine d'années pour des «futilités». Si en 2007, le président algérien
n'avait pas émis, officiellement, d'objection à sa visite, les déclarations
d'Enrico Macias concernant la nature du régime
algérien risquent d'être encore un obstacle à son «vieux» désir. En effet, le chanteur
pro sioniste s'était précédemment interrogé sur les véritables gouverneurs de
l'Algérie, affirmant ne pas savoir qui dirigeait le pays, «Bouteflika
ou l'armée ?». Jouant sur la fibre de la nostalgie et de l'amour du pays, Enrico
Macias confiera sa promesse faite à sa défunte épouse
de persévérer jusqu'à sa mort pour revoir Constantine et d'y chanter.