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Maroc: Les islamistes en tête

par Omar Brouksy Et Henri Mamarbachi

Les islamistes étaient, hier, en voie de remporter les législatives au Maroc pour la première fois de l'histoire du royaume chérifien et se sont dits prêts à former un gouvernement de coalition. Selon les résultats officiels de plus des deux tiers des circonscriptions, le Parti justice et développement (PJD) est déjà crédité de 80 sièges pour le scrutin de vendredi, et les résultats définitifs pour les 395 députés de la chambre seront connus dimanche. Fort de ce score historique, le PJD, qui était jusqu'ici le premier parti d'opposition avec 47 sièges, a annoncé qu'il était prêt à ouvrir des tractations avec d'autres formations pour former un gouvernement. «Nous sommes disposés à ouvrir des concertations avec les partis, si cela se confirme que nous sommes les premiers», a déclaré à l'AFP Abdelilah Benkirane, dirigeant du PJD, une formation qui se veut à «référence islamique» et «monarchiste». Le PJD est suivi de l'Istiqlal, le parti du Premier ministre actuel Abbas El Fassi, qui a obtenu 45 sièges, a annoncé le ministre de l'Intérieur Taïb Cherkaoui, qui a souligné la bonne participation avec un taux de 45,4% contre 37% en 2007. Le Rassemblement national des indépendants (RNI) et le Parti authenticité et modernité (PAM), deux formations libérales proches du palais royal et membres de l'actuelle coalition gouvernementale, ont respectivement obtenu 38 et 33 sièges, a encore indiqué le ministre dans une conférence de presse. Le chef du groupe parlementaire du PJD, Lahcen Daoudi, a tablé, dès hier matin, sur la conquête par son parti de «plus de 100 sièges». «C'est un tournant historique», a estimé Mustapha El Khelfi, le directeur de la publication d'Attajdid, le journal du PJD.

 Ce succès des islamistes modérés intervient cinq mois après une réforme constitutionnelle décidée par le roi Mohamed VI qui stipule que le chef du gouvernement est choisi au sein du parti arrivé en tête des élections. «Les élections législatives se sont déroulées dans le cadre de réformes importantes proposées par le roi», a souligné M. Cherkaoui, en référence à la nouvelle constitution qui prévoit un renforcement des prérogatives de l'exécutif et du parlement. Cette forte poussée des islamistes s'inscrit également sur fond de contestation au Maroc, surtout parmi les jeunes, qui réclament depuis le début de l'année une plus grande ouverture du système politique. Abdelilah Benkirane a indiqué dans un entretien avec à la chaîne France 24 que sa formation était prête à faire preuve de souplesse. «On est obligé de revoir le programme pour se mettre d'accord sur un programme commun», a-t-il assuré. «Mais l'essentiel de notre programme et de ceux qui vont gouverner avec nous aura deux axes: la démocratie et la bonne gouvernance», a-t-il poursuivi. «Les Marocains insistent pour garder leur monarchie, mais ils veulent qu'elle évolue avec eux», a encore commenté M. Benkirane. Le prochain gouvernement sera toutefois confronté à un climat social marqué par un taux de chômage estimé à près de 30% chez les jeunes. Le Mouvement du 20 février, qui regroupe une partie des jeunes mécontents, avait appelé au boycott du scrutin, ainsi que trois autres partis de gauche. La France, premier partenaire commercial du royaume, a été le premier pays à se féliciter «du bon déroulement des premières élections législatives depuis la révision de la constitution» et a renouvelé son soutien à un «pays ami» et ancien protectorat, sans commenter la victoire des islamistes. Si cette victoire se confirme, le Maroc sera le troisième pays musulman du bassin méditerranéen à être dirigé par un parti islamiste, avec la Turquie et la Tunisie, dans l'attente des élections lundi et mardi en Egypte, qui pourraient amener les Frères musulmans au pouvoir.