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La chaîne
tunisienne Nessma TV positionnée comme chaîne
maghrébine a plus subi les contrecoups de la crise de la zone Euro que
bénéficier des effets dopants des révolutions arabes. Ses actionnaires Tarek
Ben Ammar, Berlusconi et les frères Karoui, pris dans la tempête, introduisent de la rigueur dans
la gestion de la chaîne alors même que la nouvelle donne politique exige des
investissements plus grands. Une redistribution des cartes pointe.
La crise mondiale, partie des subprimes aux Etats-Unis en 2007, a décidé d'un clap de fin pour le producteur tunisien Ben Ammar. Le neveu prodige de Wassila Bourguiba, âgé de 62 ans, a déposé, le 09 novembre dernier, le bilan de son entreprise Quinta industries, dont il détient 67,7% du capital. Cette plate-forme technique, principal pourvoyeur de prestations pour le cinéma français notamment, emploie 200 personnes. Elle a périclité ces dernières années après avoir contribué, comme le montre la prise de contrôle des laboratoires Eclair (pellicule 35 mn) en février 2007, à la croissance des actifs de l'homme d'affaires tunisien. Tarek Ben Ammar a entraîné son acolyte de longue date, Silvio Berlusconi, dans sa chute à Paris. Finninvest, la holding du Cavaliere détient 22,2% de Quinta industries. Ce scénario du pire peut-il se reproduire avec Nessma TV ? Tarek Ben Ammar et Silvio Berlusconi ont apporté 30 millions d'euros à parts égales en mai 2008 pour acquérir 50% des parts de Nessma TV, la chaîne maghrébine lancé par les frères Karoui, propriétaires de l'agence de communication éponyme. Au début du mois de ramadan, en août dernier, tout tenait encore la route pour la chaîne «décalée» du paysage audiovisuel maghrébin. Première audience en Tunisie, selon Sigma. Une image positive dans le reste de la région. La dernière enquête réalisée entre le 06 et le 12 octobre renvoie Nessma TV à la cinquième place avec 5,6% de parts d'audience. Un recul qui a précédé l'affaire Persépolis, ce film iranien, jugé blasphématoire par les islamistes, par lequel les grands soucis de Nessma TV ont surgi sur la scène publique. Dans le même temps, les revenus publicitaires de la chaîne n'arrivent pas à décoller. Nessma TV, qui prospecte sur les trois pays du Maghreb central, se situait à un million de dinars tunisiens (environ 500 000 euros) d'insertions publicitaires pour le mois d'octobre derrière les deux chaînes publiques Wataniya 1 et 2, et surtout la rivale privée Hannibal TV (1,6 million de dinars tunisiens). AL WALID BEN TALAL EN RÉSERVE La «soutenabilité» du développement de Nessma TV est en question. Ses actionnaires ne paraissent pas en mesure de soutenir un refinancement à court terme. Silvio Berlusconi dégagé de la gestion politique de son pays, devrait faire la part dans ses engagements de ces dernières années. En 2008, sa venue en Tunisie avec Finninvest avait été négociée directement avec le maître des lieux Zine Ben Ali. La donne a changé. «L'ouverture d'un nouveau tour de table n'est plus exclue aujourd'hui» estime un spécialiste algérien de l'audiovisuel. «Tarek Ben Ammar conserve une profondeur de levée de fonds auprès de son ami le milliardaire saoudien Al Walid Ben Talal». Les frères Karoui pourraient bien y laisser des plumes. Leur capacité de monter en capital est la plus limitée parmi les actionnaires. L'agence Karoui et Karoui est en stand-by de renégociation d'importants marchés de communication, liés à la téléphonie, comme en Algérie où le contrat avec Djezzy prend fin en février prochain. Des hommes d'affaires algériens en quête d'une entrée dans l'audiovisuel, bientôt autorisé dans leur pays, «auraient intérêt à examiner la situation de Nessma TV. Cela peut être une belle opportunité pour gagner du temps et se placer plus vite dans la filière» estime le spécialiste. «ACHETER DES IMAGES EXCLUSIVES» En attendant ces grandes manœuvres stratégiques, Nessma TV devra repenser son positionnement de grille. La chaîne qui se veut «moderniste», a beaucoup concédé à l'affaire Persépolis. La diffusion du film, produit par Ben Ammar, ce n'est pas un hasard, a d'ailleurs laissé des séquelles dans la relation entre les actionnaires. Nabil Karoui le directeur de Nessma TV, vivant en Tunisie, ne partage pas «exactement» tout «le zèle militant moderniste» de Tarek Ben Ammar, chevalier pourfendeur de la bigoterie des sociétés maghrébines, mais quelque peu à l'abri de ses débordements. Traîné en procès par une coalition d'associations «effarouchées», le directeur de Nessma tient un discours conciliateur vis-à-vis de ceux de ces concitoyens qui s'estiment blessés par la diffusion de la représentation de «Dieu» suggérée dans Persépolis. «L'enjeu de grille à Nessma TV n'est pas de paraître moins moderniste ou plus conservateur. Il n'est pas censé de changer de public en cours de route. Nessma TV avait un positionnement société et divertissement pour contourner la censure de Ben Ali. Aujourd'hui cela ne suffit plus. L'information s'est libérée et les chaînes publiques tunisiennes qui ont un potentiel rédactionnel paraissent plus attrayantes et paradoxalement plus libres». Pour survivre Nessma TV devrait donc devenir une vraie chaîne généraliste maghrébine, «et acheter beaucoup d'images exclusives». Une autre échelle d'investissement, imprévue avant le printemps arabe, impossible après la crise de la zone Euro. |
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