
Pour un Syrien qui meurt, se relève et continue de marcher
jusqu'à ce qu'on le tue encore une fois et ainsi de suite, les théories du
complot mondial, celle de la géostratégie, celle des calculs occidentaux et des
puissances, les analyses assises et les dénonciations de l'OTAN sont de la
paille et des insectes sur sa veste de lutteur. L'équation est pour le Syrien
simple : c'est lui qu'on tue, c'est lui qu'on arrache, c'est lui qu'on torture
et c'est sa mère qui se fait violer ou kidnapper, ainsi que sa fille ou son
épouse. En face, il n'y a pas l'OTAN, il n'y a pas Tsahal,
il n'y a pas le complot mais le dictateur, le tyran et ses milices. Les
analyses, de derrière les écrans TV, ont quelque chose d'inhumain, de décalé et à la limite de l'indécence. Il n'y a pas de
complot mais mort d'homme. L'Occident va en profiter ? Oui et pourquoi pas nous
? Dans tous les cas, cela importe peu le mort syrien. Ce qu'il veut lui, c'est
sa vie, la vie meilleure et la liberté. Les analyses transcendantes sont bonnes
pour comprendre, mais leur excès est immoral.
Les Syriens ont
démontré un courage exemplaire, unique, sans faille, admirable, et cela mérite
au moins notre silence respectueux. Leur combat a permis de mettre à nu les
toiles mafieuses de la région du Moyen-Orient, entre le Hezbollah, les
apparatchiks de la cause palestinienne nourris et logés par les Moukhabarates de Damas, et la dictature au nom de l'arabité
et du Front de refus. Cela a permis de clore cette époque des idéologies de
camouflages qui se servaient de la
Palestine, d'Israël, de l'arabité et du Front de refus pour
se maintenir au pouvoir ou en gagner un peu plus avec deux ou trois coups de
feu et un faux missile.
La fin de Saddam
avait signé la fin des remakes de Saladin, version moustache et SCUD traficotés.
La fin de Bachar, le boucher de Damas, signera la
clôture de cette arnaque qui se servait de la Palestine comme cache-sexe.
On débouchera dans l'inconnu, mais il vaut mieux que les babouches d'autrefois
et les arnaques d'un demi-siècle de baathisme
ravageur. Une époque est morte, Bachar est mort et
son gang est mort et ils sont les seuls à ne pas le savoir. Ils sont les seuls
à tuer les autres en ignorant qu'il s'agit de leurs propres morts. La décision
de la Ligue
arabe est à saluer, après un demi-siècle de mollesse et des mois de flottement
sur la lune. Il n'y a pas à y lire un agenda externe, un instrument de complot,
une servilité. Le boucher de Damas est une maladie à isoler. C'est son genre
qui a permis les nouvelles colonisations. Cet homme tuera jusqu'à son décès et
son décès sera violent. Et qu'on n'aille pas s'apitoyer sur son sort et son
lynchage un jour, comme on l'a fait pour d'autres, en oubliant les crimes à la
première larme du criminel.