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L'homme qui ne peut changer son monde?

par Kamel Daoud

Spectacle amusant: voir le FLN et l'Alliance présidentielle servir d'opposition inattendue contre son président d'honneur. Comprendre contre Bouteflika. Question en abîme: le système est-il si animalier qu'il ne peut même pas lutter contre son propre appétit ? C'est à le croire. Du discours de Bouteflika, mars 2011, pour éviter la contagion tunisienne, il ne reste rien ou seulement le papier emballage: le FLN de Belkhadem a tout mangé, mâché et recraché. Bilan: pour l'audiovisuel, les Algériens en sont encore à choisir entre l'ENTV ou les chaînes pirates. Pour le reste, tout ce qu'a dit Bouteflika, l'Alliance l'a refusé. A l'APN, les votes de la majorité (majorité qui roule pour qui ? Qui la paye vraiment ? Qui est son maître autre que son appétit ?) ont réduit les grandes décisions en petits éternuements: le quota des femmes est devenu une arnaque d'épicier mauvais, la loi pour les partis est devenue un système de copinage, l'interdiction de nomadisme des élus (article 67) a été effacée par les mains levées, l'amendement de l'article 93 imposant aux ministres candidats de quitter leurs fonctions trois mois avant la date du scrutin, a été annulé, etc.

 Qu'avait promis Bouteflika et les siens au fait ? On n'en sait plus rien. C'est flou, confus, sans détails dans le temps, sans contours, sans date de péremption, dit dans l'au-delà, il y a si longtemps que cela ressemble à 62. D'ailleurs, en observateur assis, on est presque tenté d'en rire: comment cet homme a pu croire pouvoir réformer avec des gens qui sont eux-mêmes à réformer ? Comment réformer avec une APN mal élue, peu légitime, et gangrenée par des seigneurs féodaux des urnes ? Bouteflika se trompe s'il oublie que les serviteurs du système lui sont loyaux jusqu'au point ou la loyauté entre en conflit avec l'alimentaire. Là, le choix est vite fait. L'essentiel est donc sous les yeux pour ceux qui croient encore en ce régime: s'il veut sauver sa peau, il doit amputer. Dissoudre cette APN est le premier pas vers un bon cordonnier.

 Mais Bouteflika peut-il le faire ? Non. Cela ne dépend pas de lui, ni des siens immédiats. Les chambres d'élus sont devenues autonomes sur la question alimentaire et rusées sur la question de la survie de l'espèce. Le système ne peut être changé par des décisions qui vont contre le système; logique de maths. Ces réformes finiront en desserts. L'ENTV en est arrivée à censurer Bouteflika, l'APN s'oppose à lui. Que lui reste-t-il pour assurer le bras de fer ? Officiellement le Peuple. Lequel ? Pas celui des 80% fictifs mais des 20% réels. Trop peu pour faire la Révolution, par le haut.