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La Chine au secours des finances de l’Union européenne : voilà l’hypothèse qui revient en boucle depuis plusieurs mois. Dernièrement, c’est le président français Nicolas Sarkozy qui l’a lui-même évoquée à la veille du G20 qui s’est tenu en fin de semaine dernière. Forte d’un trésor de guerre de près de 3.000 milliards de dollars, la Chine apparaît en effet comme le sauveur tant attendu qui pourrait résoudre les problèmes d’endettement des pays membres de la zone euro, à commencer par la Grèce mais sans oublier aussi l’Espagne et l’Italie.
RETICENCES EUROPEENNES MAIS AUSSI CHINOISES Pour autant, l’affaire n’est pas aussi simple. D’abord, tous les Européens ne sont pas aussi enthousiastes que Sarkozy à l’idée que des capitaux chinois viennent renflouer leurs économies, fussent-elles mal en point. Il faut dire que les vieux réflexes ont la vie dure puisque nombreux sont ceux qui craignent que Pékin n’accorde ses crédits qu’en échange d’importantes concessions parmi lesquelles l’ouverture plus grande du marché commun aux produits chinois ainsi que la remise en cause des dispositions européennes qui limitent le transfert de technologie vers la Chine. En somme, il faudrait que ce pays ouvre son porte-monnaie sans rien réclamer en échange… Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette posture agace en Chine où, fait inhabituel, le débat fait rage sur la question de l’opportunité d’une aide financière à apporter à l’Europe. De façon logique, de nombreux éditorialistes et commentateurs s’élèvent contre une Europe à l’économie en lambeaux mais dont les dirigeants continuent de penser qu’elle reste le centre du monde et que, ce faisant, il est normal que cela soit elle qui dicte ses conditions. On peut effectivement se demander en vertu de quelle règle implicite la Chine devrait sauver la zone euro sans rien exiger en contrepartie. Mais la réticence vaut aussi pour l’autre partie. Nombreux sont les Chinois qui s’opposent à ce que leur pays aide l’Europe, même si cette dernière en paie le prix. Pour eux, l’urgence est d’abord dans le développement de la Chine et dans la réduction des inégalités sociales. Tout dollar prêté à l’Europe serait pour eux un dollar ôté au « développement harmonieux » de la Chine et à sa lutte contre la pauvreté. A cela, s’ajoute le fait que de nombreux économistes chinois estiment que la dette de la zone euro ne vaut pas un clou et que financer le déficit budgétaire des Européens reviendrait à jeter de l’argent par les fenêtres. En clair, la Chine hésite entre, d’un côté, possibilité d’aider la zone euro en échange de véritables contreparties commerciales et, de l’autre, la nécessité de ne pas se hasarder dans des placements risqués sans avoir, au préalable, exigé des réformes garantissant la solvabilité de la dette européenne. UN JUGEMENT SANS NUANCES DU FONDS SOUVERAIN CHINOIS C’est en tous les cas l’avis de Jin Liqun, le président du fonds souverain chinois China Investment Corporation (CIC). Pour ce dernier, « les troubles qui se sont produits dans les pays européens résultent uniquement de problèmes accumulés par une société en fin de course, vivant d’acquis sociaux» et aux «lois sociales obsolètes» qui « conduisent à la paresse, à l’indolence plutôt que de travailler dur ». Ces propos tenus sur Al-Jazeera feront certainement date. C’est bien la première fois qu’un dirigeant chinois se permet non seulement de juger aussi durement l’Europe mais aussi d’en exiger des réformes qui remettraient en cause son traditionnel modèle social. Voilà une nouvelle preuve de la mutation du monde… |
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