L'avant-projet de loi régissant la profession d'avocat «constituerait un
renforcement du contrôle de l'autorité judiciaire sur la profession d'avocat
ainsi qu'une grave atteinte au droit à la défense». C'est ce qu'indique le
dernier rapport du Réseau Euro-Méditerranéen des
Droits de l'Homme (REMDH) publié en ce mois d'octobre sous l'intitulé : «L'indépendance
et l'impartialité du système judiciaire en Algérie». Rédigé en 42 pages, le
document du REMDH considère que «certaines des dispositions de l'avant-projet
de loi constituent une grave atteinte à l'indépendance du conseil de l'Ordre
qui seul est habilité à prendre les sanctions qui s'imposent à l'encontre de
l'un de ses membres». A noter que ce «désaveu» de la part du Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l'Homme coïncide avec le
troisième jour de la grève nationale des avocats, mobilisés pour marquer leur
opposition à l'avant-projet de loi régissant leur profession. Il est ainsi fait
mention dans ce même rapport que «l'article 24 permet au représentant du
parquet d'empêcher un avocat de plaider et de le renvoyer devant le conseil de
discipline s'il juge qu'il a failli ?à ses obligations professionnelles'». Le
texte «controversé» régissant la profession d'avocat introduit, par ailleurs, est-il
noté, «l'obligation pour le bâtonnier de notifier toute décision du Conseil de
discipline, non seulement au ministre de la Justice et à l'avocat objet de la plainte, mais
aussi au procureur général (article 53), alors que l'article 54 donne le droit
au procureur d'introduire un recours contre une décision du Conseil de
discipline, un droit habituellement réservé à l'avocat, objet de la plainte, et
au ministre de la Justice».
Le rapport fait, par ailleurs, état de l'existence d'autres formes d'ingérence
dans les décisions du Conseil de l'Ordre des avocats même dans le code de
procédure militaire. L'article 157, notamment, donne le pouvoir au président du
tribunal militaire de sanctionner les avocats de la défense. Ce pouvoir permet
même au président du tribunal militaire de radier les avocats de l'Ordre. Par
le biais de ce rapport, le REMDH rappelle que l'exercice des droits de la
défense par l'avocat reste «étroitement lié à l'affirmation constitutionnelle
et légale et à l'application effective par les magistrats du principe de
l'indépendance et de l'impartialité de la Justice». Le REMDH consacre d'ailleurs tout un
chapitre au statut des magistrats et du Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) dans
lequel il souligne «l'importance de mener à terme des réformes
constitutionnelles, notamment en réformant la composition du CSM». Le rapport
se penche aussi sur l'une des plus importantes réformes entreprises par le
gouvernement algérien depuis le début du «printemps arabe» : la levée de l'état
d'urgence en vigueur depuis 1992. «Loin de satisfaire les attentes de la
société en matière de réformes démocratiques et de respect des droits de
l'Homme, la levée de l'état d'urgence n'a pas profondément affecté le système
judiciaire», est-il noté. Le rapport explique que «bien avant l'abrogation de
ces décrets, de nombreuses dispositions de la législation d'exception avaient
déjà été intégrées dans la législation ordinaire, notamment le code de
procédure pénale et le code pénal algérien». A titre d'exemple, le rapport cite
«une définition extrêmement large de l'acte terroriste» qui est «toujours en
vigueur et pèse comme une menace, même contre des actes d'opposition politique».
Les autorités algériennes sont, in fine, appelées à faire preuve d'«une réelle
volonté politique à faire progresser de manière substantielle la cause de
l'indépendance de la Justice».
A noter que ce rapport du REMDH, signé par deux experts algériens, en
l'occurrence MM. Madjid Benchikh,
professeur émérite et ancien doyen de la faculté d'Alger, et Amine Sidhoum, avocat, a été mis avant-hier à la disposition des
participants à la conférence qui s'est tenue à l'Hôtel Es-Safir
d'Alger et lors de laquelle la
LADDH a débattu de thématiques liées à l'indépendance de la
justice. Au cours de cette même rencontre, un autre document, un mémorandum
conjoint (REMDH ? CFDA ? LADDH) qui analyse le projet de loi sur les
associations actuellement en discussion à l'Assemblée populaire nationale, a
également été débattu.