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Nombreux sont les
sujets et les soldats qui ont bondi sur leurs souverains et les ont dépouillés,
sinon du vêtement de leur vie, du moins du vêtement de leur pouvoir (Safi al Din Ibn At.-Tiktaka (1261-1311) L'invincibilité
des Etats modernes face aux peuples qu'ils gouvernent apparait
comme une réalité impossible à contester.
L'INVINCIBILITE DES APPAREILS D'ETAT MODERNE BATTUE EN BRECHE Les avancées dans les sciences de la gestion comme dans la technologie de surveillance et de répression des dissidences ont mis à la disposition des gouvernants des moyens formidables d'encadrement de leurs populations, qui réduisent la marge de défense de ces populations contre l'oppression de leurs gouvernants. Les évènement récents dans la région viennent, cependant, de prouver que les peuples sont loin d'être désarmés face à la puissance d'encadrement comme de feu de leurs gouvernants, et que l'invincibilité , comme la capacité de répression dont ceux-ci disposent, finit par céder à la détermination de populations poussées à bout par l'arbitraire et la violence de leurs maitres. LE PIEGE MORTEL DU SYSTEME POLITIQUE TOTALITAIRE Le cas de la Libye, quel que soit l'opinion que l'on porte sur les nouveaux dirigeants du pays et leurs orientations idéologiques, comme sur les conditions de leur prise de pouvoir, vient prouver, une fois de plus, et s'il le fallait encore, que les armes modernes à la disposition des gouvernants perdent de leur efficacité quand ces gouvernants considèrent leur invincibilité comme incontestable et incontestée et abusent de leur pouvoir. La fin violente du règne du despote libyen, comme sa mort tragique, est l'aboutissement inévitable d'un système politique totalitaire dans le sens extrême du terme, système fondé sur le rejet de toutes institutions politiques en dehors de la propre personne de ce despote, et faisant de ses actes et paroles la Constitution du pays. Sous le couvert de la notion de « pouvoir au peuple sans intermédiaires, » et adoptant un style de gouvernement, de vie, de comportement, et de vêtements à la fois théâtral et provoquant, ce despote, aidé par l'abondance de ses moyens financiers procurés par les ressources pétrolières, a sans aucun doute pensé être paré contre tout accident mettant en danger son pouvoir personnel, et s'est retrouvé captif du vide institutionnel et politique qu'il a entretenu lorsque les populations excédées sont sorties dans les rues et ont pris les armes pour demander son départ. Il s'agit là d'un cas rare dans le monde contemporain d'un système de gouvernement despotique où le refus de partager le pouvoir, même dans ses manifestations les plus anodines, avec qui que ce soit, et quelque institution que ce soit, est poussé à cet extrême. UNE APPROCHE TOTALITAIRE INCHANGEE AUX APPRETS « DEMOCRATIQUES » D'autres régimes aussi despotiques ont fait preuve de plus d'intelligence dans leur approche totalitaire ; les maitres d'œuvre de ces régimes ont embrassé extérieurement tous les concepts de l'Etat moderne, ont accepté de jouer-dans le sens théâtral du terme,- le jeu de la « démocratie, » allant jusqu'à y faire référence dans l'intitulé de leur pays, ont adopté des Constitutions qui intègrent tous les ingrédients propres à ce type de textes juridiques. Il n'est demeure pas moins que cette construction juridique, et cet appareil institutionnel, où on retrouve les concepts les plus chers aux partisan d'un système politique fondé sur la notion de pouvoir politique émanant de la légitimé populaire par l'appel aux urnes pour le choix des représentants du peuple comme des dirigeants , l'existence de partis politiques censés prendre en charge l'expression des diversités de points de vue et d'intérêts relatives aux affaires publiques, une presse libre, est tout simplement, un vaste décor cachant la réalité du monopole du pouvoir entre les mains d'un seul homme ou d'un groupe d'hommes. ON EMBRASSE LE CONCEPT DE SEPARATION DE POUVOIRS? Ce système, tout en embrassant le concept de séparation des pouvoirs qui caractérise les systèmes politiques modernes, et donc la répartition des activités dictées par l'administration des activités intéressant toute la collectivité, entre un pouvoir exécutif, un pouvoir législatif et un pouvoir judiciaire, refuse toute limitation du pouvoir du dirigeant qui est au sommet de la hiérarchie politique. Et au lieu de cette division claire des pouvoirs qu'exprime la Constitutions, on a affaire à un régime politique classable dans la même famille que le régime de type kadhafiste. Et comme un Etat de droit est un Etat où cette séparation des pouvoir est non seulement acceptée juridiquement, mais également pratiquée, le rejet de ce partage est également le rejet de l'Etat de droit. MAIS ON PRATIQUE LE MONOPOLE DU POUVOIR ! Rien n'échappe dans la gestion des affaires de l'Etat à l'intervention du plus haut niveau de la hiérarchie. Tout le monde est responsable devant le chef d'Etat et il n'est responsable devant personne, puisque même l'instance supposée contrôler la constitutionnalité des actes de l'exécutif comme du législatif, à savoir le Conseil constitutionnel, est, dans son mode d'interventions, un simple service de la Présidence sans autres attributions ne matière de contrôle constitutionnel que celle de confirmer les décisions de ce dirigeant. LA CONCEPTION CONSTITUTIONNELLE OFFICIELLE : LA SEPARATION DES FONCTIONS Il est évident, comme le montre le texte d'une intervention devant une audience internationale faite- sous le chapeau du Conseil Constitutionnel, actuellement dirigé par un ancien diplomate et homme de lettre de renommée internationale- à Rio de Janeiro lors d'une rencontre tenue du 16 au 18 janvier 2011, que l'on ne manque pas d'arguments pour prouver ce que la pratique comme les texte constitutionnel rejette, que le Conseil constitutionnel est indépendant, d'autant plus qu'il établit son budget, fixe son règlement intérieur, impose l'incompatibilité des fonctions, etc. Ces attributs d'autonomie dont se targue ce Conseil peuvent se retrouver au niveau d'un lycée, d'une école, d'une direction des impôts, et n'indiquent en rien que ces institutions soient, sinon indépendantes, du moins autonomes. UNE ARGUMENTATION QUI S'AUTODETRUIT D'ailleurs, ce même document détruit toute l'argumentation développée pour prouver une autonomies de décision qui n'existe pas-la preuve la plus patente étant la révision constitutionnel de de 2008 passée par une série d'abus de pouvoir et de décisions prouvant l'absence de séparation entre les trois pouvoirs- en proclamant qu'en fait la séparation de pouvoirs est simplement la séparation de fonctions, ramenant donc la fameuse Constitution de 1989 qu'il cite si souvent, à la Constitution de 1976 édictée par feu le Président Boumediene pour donner une assise légale à son pouvoir personnel. Voici la citation en cause qui contredit tout le développement que suit ce document officiel, et qui avance des affirmations contredites par la pratique constitutionnelle dans les pays démocratiques modernes : « La séparation des pouvoirs imaginée par Locke et Montesquieu s'est complètement renouvelée à la lumière des différentes analyses juridiques et la pratique politique et constitutionnelle. Il est en effet difficile de soutenir, aujourd'hui, la séparation alors que l'exercice du pouvoir révèle plutôt une collaboration fondée sur la non-appropriation par un pouvoir des fonctions dévolues à un autre pouvoir et la non-ingérence de l'un dans l'exercice des fonctions de l'autre .» UNE INTERPRETATION DE LA CONSTITUTION QUI VIOLE LA CONSTITUTION Ce document est présenté sous le chapeau du Conseil constitutionnel, et donc reflétant une position officielle de l'institution. Il reconnait le caractère central de la séparation des pouvoirs « conçue comme garantie du citoyen contre tout abus (et qui)? est une caractéristique, voire un élément fondamental de la définition de la notion de Constitution. » Le problème c'est que la fonction fait référence à un système politique où tout le pouvoir politique est détenu par une seule personne qui répartit ses attributions de gestion des affaires de l'Etat , de reddition de justice et de législation entre différentes institutions spécialisées dépendant de lui, et exclusivement de lui, tandis que la séparation des pouvoirs se réfère à l'existence de pôles de prise de décision totalement autonomes les uns des autres et excluant toute subordination d'un pouvoir à l'autre, et permettant un équilibre qui évite le monopole du pouvoir politique entre les mains d'une seule personne, si pleine de dons et de qualités soit-elle. Seule cette séparation des pouvoirs garantit un véritable contrôle des décisions et des actions des instances politiques, quels que soient leurs titres ou leurs attributions. LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL N'A D'AUTRE AUTONOMIE QU'ADMINISTRATIVE Donc, contrairement à ce que proclame la Constitution algérienne écrite, Le Conseil constitutionnel, qui n'a d'ailleurs pas le pouvoir de saisine automatique comme le prétend ce document officiel, inscrit son intervention dans le cadre d'un concept unitariste de l'Etat, où un seul homme prend les décisions ou oriente les actions concernant la vie de la collectivité nationale, et utilise des institutions totalement inféodées à lui- des assemblées « élus » aux tribunaux, en passant évidemment par le Conseil constitutionnel,-pour mettre en œuvre des politiques et des actions dont il est le seul maitre et juge. C'est ce que l'on appelle le pouvoir personnel. LA SEPARATION DES POUVOIRS RESTE LE FONDEMENT DES SYSTEMES DEMOCRATIQUES Quant à la référence à l'évolution de la notion de séparation de pouvoirs vers la notion de séparation de fonctions, affirmée par ce document officiel, elle est tout simplement fondée sur des supputations que ne soutient aucune des pratiques constitutionnelles des pays ayant embrassé depuis longtemps la démocratie et la séparation des pouvoirs. Même la pratique constitutionnelle de l'ancienne puissance coloniale, qui n'est pas des plus parfaite, rejette ce concept de séparation des fonctions en lieu et place de la séparation des pouvoirs qui est le fondement du système constitutionnel comme d'une démocratie réelle. LA MEME CONSTITUTION DEPUIS 1976, MALGRE DE NOMBREUSES REVISIONS CONSTITUTIONNELLES ! Ce document prouve s'il le fallait encore que toutes les révisions constitutionnelles ont gardé le moule de la Constitution de 1976, dont personne ne peut affirmer qu'elle avait pour objet la mise en place d'un Etat fonctionnement sur la base de la légitimité populaire. Le vocabulaire change, on fait intervenir des acteurs nouveaux, dont la presse indépendance et les partis politiques multiples, mais la conception du pouvoir reste la même. Et c'est là la grande manipulation de l'opinion publique nationale comme internationale. Toute action qui ne vise pas à la mise en place d'un système constitutionnel structuré autour d'une véritable séparation des trois pouvoirs qui caractérisent les Etats moderne, ne peut être assimilée à une action de Réforme politique. AMENAGEMENTS ADMINISTRATIFS, NON REFORMES POLITIQUES Les actions actuelles sont essentiellement des mesures de caractère administratif qui ne changent en rien le système politique actuel. Ce système n'est ni une démocratie, ni un régime présidentiel, mais simplement un système tournant autour d'un seul homme, ayant les pleins pouvoirs et ne devant rendre de compte à personne d'autre qu'à lui-même, au -dessus de toutes censures et de tous contrôles et dont les actions sont mues par des considérations secrètes dont lui seul a connaissance. La loi électorale, tout comme la loi sur les partis, tout comme l'ouverture des médias lourds-dans le contexte constitutionnel actuel, occasion d'affaires commerciales lucratives plutôt que preuves d'une ouverture politique plus souple-quels que soient par ailleurs les aménagements qui y sont introduits, s'inscrivent dans le cadre d'un système constitutionnel qui n'a pas changé depuis 1976,et que les maitres du pays veulent perpétuer, tout en acceptant le droit au bavardage en groupe, sous la forme de « partis » ou individuels, sous la forme de « liberté d'opinion. Bref, on reste dans la mouvance constitutionnelle boumédiéniste. LE MONOPOLE POLITIQUE CREE LE VIDE PROPICE AUX EXTREMISMES Mais, le monopole du pouvoir politique, qui est patent, et que l'interprétation de la Constitution par ceux qui sont chargés d'en défendre l'intégrité contre tous les pouvoirs, y compris celui du chef de l'Etat, crée le vide, ce qui ne peut que donner de l'espoir et un champs d'action ouvert aux extrémistes qui veulent résoudre une fois pour toutes les problèmes politiques de l'Algérie en les ramenant à une affaire religieuse. D'ailleurs, l'ouvrage écrit par Ibn Al Tiktaka en 1302, -et cité plus haut- c'est-à-dire 44 ans après la fin du règne d'El Mousta'sim, le dernier khalife abbasside, exécuté sur les ordres de l'empereur mongol Hulagu, serait une lecture utile pour quiconque entretient encore des espoirs d'un système politique fondé exclusivement sur les préceptes religieux. En conclusion 1. La notion d'invincibilité de l'appareil d'Etat moderne a été battue en brèche par les évènements que connait la région depuis le début de cette année ; 2. Même un système politique fondé sur le refus des institutions d'étatiques modernes, comme celui de l'ancien despote libyen ne peut résister au rejet de son pouvoir par la population ; 3. Du fait de l'absence d'institutions politiques, ce régime n'a aucun moyen de s'auto-réformer et ne peut que s'effondrer face à la volonté populaire de changement; 4. D'autres régimes refusent la logique du système institutionnel moderne, mais en acceptent l'existence à condition qu'il soit totalement sous la coupe d'un seul homme ou d'un groupe restreint d'hommes, 5. Cette logique dicte la séparation des pouvoirs, qui est la seule garante d'un Etat de Droit, 6. Les dirigeants embrassent la distinction entre fonctions dans le cadre du pouvoir détenu par une seule personne, qui échappe à tout contrôle institutionnelle, et qui est la seule à disposer de l'indépendance de prise de décision, toutes les autres institutions lui étant totalement soumises ; 7. Ce type de manipulation des concepts et des conceptions politiques apparait de manière patente dans l'interprétation de la Constitution émanant du Conseil Constitutionnel et de sa propre pratique constitutionnelle, telle qu'elle est clairement apparue lors de la révision constitutionnelle de 2008; 8. La séparation des fonctions, qui n'est ni l'équivalent, ni le synonyme de la séparation des pouvoirs, ramène le système constitutionnel algérien à la matrice constitutionnelle de 1976, datant de 35 ans et alors destinée à donner une assise juridique à un pouvoir exclusivement personnel et sans partage ; 9. Les réformes politiques sont des actions visant à changer le système politique et le mode de prises de décisions relatives aux intérêts de la collectivité nationale ; 10. Le processus actuel n'entre pas dans le cadre de réformes politiques, et ne peut être inclus dans le contexte d'une volonté de changement de régime politique ; 11. Il s'agit de simples aménagements administratifs ne mettant pas en cause, ni de près, ni de loin, la structure actuelle du pouvoir tournant autour de -et émanant d'un- seul homme ; 12. Dans le contexte actuel, la manipulation politique a atteint le bout du chemin, et pour éviter que le vide politique créé par le système de gestion des affaires publiques, qui joue sur l'ignorance des uns et l'opacité des actions des autres, ne donne lieu à une nouvelle montée des extrémismes; 13. On ne peut pas à la fois rejeter une idéologie politique déjà mise en cause il y a 6 siècles de cela et entretenir les manipulations et le style de gestion des affaires qui la rendent attractives pour ceux qui cherchent des certitudes dans la gestion des affaires publiques. |
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