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Paradoxe
de la rente: pourquoi les moutons coûtent cher encore une fois cette année ? Parce
que l'Etat soutient, depuis le printemps arabe, le prix des aliments de bétail.
C'est ce qu'a expliqué un éleveur au chroniqueur. Explication : le quintal
d'aliment est aujourd'hui soutenu par l'Etat au point d'avoir subi une baisse
de coût de l'ordre de 1.000 dinars presque. Résultat ? Les éleveurs achètent
chez l'Etat et préfèrent ne pas vendre leurs moutons. A cause du faible coût, l'éleveur
vend ses moutons quand il paye trop à les faire manger. Si l'Etat soutient le
prix de l'alimentation de bétail, il n'y a aucune raison de s'en débarrasser.
Et si l'Etat n'avait pas soutenu l'alimentation de bétail ? Là aussi, on se serait retrouvé dans la même situation : peu de bétail car peu d'élevages, à cause du prix des aliments de bétail, et donc hausse des prix. Depuis peu donc, un peuple est né : celui de la rente. « Il sera difficile de remettre les Algériens au travail », expliquera un patron algérien au chroniqueur. « Surtout après les dernières augmentations de salaires ». C'est vrai. Quand l'argent est gratuit, le travail devient trop fatiguant pour qu'on travaille. Aujourd'hui, les Algériens, beaucoup, sont devenus un peuple de la rente et de la distribution : ils réagissent en fonction de la rente, du calcul des élevages et les congés en fonction de la rente et ils hiérarchisent les valeurs sociales en fonction de la rente. Qu'est-ce que la rente ? C'est de l'argent qui vient d'en haut et pas ses propres mains. On ne demande plus à un Algérien qu'est-ce qu'il fait dans la vie. On lui demande il travaille où ? Il a donc une fonction, pas une production. Tout est donc en fonction de ce matérialisme historique où Hegel l'Allemand serait un retraité âgé de trente ans avec un chéquier CCP et une Omra pour briller dans le ciel après la mort. Le Régime donne des logements gratuits, du travail gratuit, des augmentations dès qu'il a peur, des couffins pour les pauvres, des trottoirs pour les jeunes, des milliards aussi. Et plus le régime donne, plus il crée du chômage, des mal-logés, des gens en colère et en couffins et des dossiers de demande de milliards. On s'en souvient : la promesse d'effacer les dettes bancaires des fellahs, faite par Bouteflika, s'est traduite par une baisse de la production nationale: pourquoi travailler pour rembourser si Bouteflika rembourse par la bouche ? La dernière colonisation avait créé un peuple écrasé, sans terre, sauf le seuil de la maison, sans richesses, ni droits, et qui était poussé à échanger « les ancêtres contre de la nourriture », sans droits, même celui de changer de village sans autorisation. La guerre de Libération a créé un peuple grand de taille, visible à partir de la lune ou de Stockholm, fier et courageux, avec de grandes mains, une poitrine de 2 millions de km², du muscle dans le mot, l'œil vif à la frontière mais déjà des problèmes de connexion entre le discours et la réalité. La Rente ? Elle a créé un être difforme, sans mains, avec des yeux qui mangent les trottoirs et les murs, du flair jusqu'à l'insolence, de petits jambes sans destination et un cerveau tordu comme un hameçon. La rente a rendu laids les Algériens, les a avilis, les a réduits à des bandits de route sur leur propre terre, mous et glissants face à l'effort, rusés face à la récolte, susceptibles quant au butin et soupçonneux quant au partage. A la fin ? Une logique d'éleveurs très logiques : pourquoi vendre le mouton si l'Etat le nourrit ? Vaut mieux le garder et garder les 1.000 dinars gagnés sur l'aliment. A la fin, les deux engraissent bien : l'éleveur et l'élevé. |
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