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Les Tunisiens ont gagné. En allant si nombreux aux
urnes, ils ont créé une nouvelle situation. Ils ont ouvert une perspective. Pour
eux-mêmes. Pour nous aussi, même si cela ne semble pas une évidence immédiate. La démocratie en Tunisie,
cela a un autre impact que la démocratie dans la lointaine Scandinavie.
Et on finira par le ressentir à mesure que l'ancrage
se fait.
Certes, la perspective d'une victoire d'Ennahda suscite quelques inquiétudes dans les banlieues cossues du nord de la capitale, du côté de Carthage, Sidi Boussaïd ; mais globalement, les Tunisiens sont sereins. Avec tout juste cette petite ivresse d'avoir fait l'histoire. Et à juste titre. Ce scrutin a été une réussite civique. Et on peut pronostiquer qu'il sera une réussite politique. Ennahda, présumé vainqueur ? on ne savait pas encore hier à quel taux ?, a le triomphe modeste. Il sait qu'il est attendu. Qu'il gouverne ou non. Il va devoir afficher clairement ses choix stratégiques. Il sait que ce sont moins ses électeurs qu'il doit rassurer que ses adversaires et surtout les acteurs d'une économie très largement dépendante de l'extérieur. Il y a des réalités qui s'imposent à n'importe quel gouvernement, qu'il soit de droite ou de gauche, islamiste ou laïc. La plus évidente est que la Tunisie est un pays en déficit structurel qui a besoin des investissements étrangers. De cet extérieur, tous ne voient pas d'un bon œil une réussite et un ancrage de la démocratie en Tunisie. Et il ne s'agit pas que de régimes arabes. En Occident également, des intérêts établis n'aiment pas trop une démocratie qui rendrait les rapports plus transparents et donc plus exigeants. La chance de la Tunisie ? cela reste à vérifier par les faits ? est que les Etats-Unis paraissent souhaiter une réussite du processus démocratique. Mais sa chance tient aussi à la pondération et à la mesure des acteurs «nouveaux» de la vie politique tunisienne. La Tunisie, malgré une année compliquée, est restée le premier pays maghrébin dans le classement du Doing Business. On peut déjà le classer également comme premier maghrébin au plan politique. Vus d'Algérie et d'ailleurs, les Tunisiens donnent l'image d'une société où les acteurs discutent, contestent, manifestent, font des «sit-in» mais sans aller à la rupture, à la cassure, à la casse. Bref, ils savent négocier. En d'autres termes, faire de la politique. C'est pour cela que même avec une avance des islamistes, les urnes ne sont pas considérées comme «fatales», pour reprendre nos vieux raccourcis. Sur Facebook, un ami a rapporté cette phrase d'une militante du Parti démocratique moderniste (PDM) qui serait ? cela reste au conditionnel ? un des grands perdants du scrutin : «Ça ne fait que commencer. On va se battre». Il a ajouté en guise de commentaire: «En un mot, plus vous paniquez et plus ceux d'en face vont bomber le torse !». Voilà en fait le bon message. Faire de la politique, ce n'est pas céder à la peur, c'est être prêt à combattre pour les libertés. Et en Tunisie, après des décennies de régime policier, cela restera durablement un combat porteur. Et ils sont très nombreux les Tunisiens qui n'accepteront plus un retour de l'inquisition. Et on peut leur faire confiance. Ils ne laisseront personne les remettre au régime de la privation des libertés. |
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