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C'est une histoire qui se passe à Hassi
Messaoud. Elle commence en 1917, lorsque le dénommé Messaoud découvre un puits d'eau pour son troupeau. Une
margelle et une coupole blanche signalent encore, dans le centre de cette ville,
l'eau aux caravaniers d'autrefois. En 1926, Messaoud
meure avant de savoir ce que valait la substance noire et visqueuse qui a
jailli avec l'eau du puits. En 1956, un Français creuse a côté du puits et
découvre ce qu'a découvert Messaoud : du pétrole. Enormément.
Beaucoup. Plus qu'ailleurs dans toute l'Afrique. En 1958, la France commence le pompage.
En 1962, l'Algérie est indépendante mais pas Hassi Messaoud, chapitre du contentieux des Accords d'Evian. En 1971,
Houari Boumediene nationalise le pétrole et Hassi Messaoud. En 1980, Sonatrach fait
d'Alger la capitale politique et de Hassi Messaoud la capitale énergétique du pays. L'entreprise
algérienne y déplace ses cadres et ses chalets et ses problèmes. Les habitants
de Hassi Messaoud qui n'ont
pas découvert le pétrole, découvrent les soucis des grandes villes, le chômage
dans le désert, les cadres du Nord qui viennent avec leurs coiffeuses mêmes ou
leurs familles, les contrats d'Alger, les appels d'offres et les sociétés de
sous-traitance de l'emploi et la loi des multinationales. Dès 1990, Hassi Messaoud est désignée
capitale des premiers harraga algériens, vers le Sud,
à la recherche de l'emploi, du salaire et du CDI. La décennie 90 fera tourner
la tête à toute l'Algérie vers le Sud : l'Etat y cherchait des solutions par
les camps de Oued Ennamous et les islamistes, les
chômeurs y cherchaient du travail assis, gardiens de sécurité de préférence.
Le 13 juillet (un vendredi) 2001, un imam fait un prêche où il accuse les femmes qui travaillent dans le pétrole de Hassi Messaoud et qui vivent seules donc, d'être la source du mal, de la sécheresse, des maladies honteuses, des pellicules des cheveux et des pannes de voitures. Des centaines d'intoxiqués se lèvent et attaquent le quartier d'El Haïcha. Pendant des heures et des heures, on va frapper des femmes, les violer, les traîner nues dans les rues, les voler, les déposséder et les kidnapper. Quelques années après, il y aura un procès, avec 06 accusés à la place des cent qui ont commis le crime, et 3 victimes à la place des cent autres qui ont été menacées de représailles si elles témoignaient. En 2006, l'Etat décide de faire du puits, une vraie ville. C'est le projet de la nouvelle ville de Hassi Messaoud. Il va coûter beaucoup et attirer beaucoup. Chakib Khellil démissionne, le projet est repris à zéro. Il est promis pour 2014 puis pour 2017. La nouvelle ville sera équipée d'une ville avec toutes les commodités possibles, des routes et des bancs et de la verdure et des logements. Septembre 2011, des chômeurs se lèvent à Hassi Messaoud, demandent du travail ou du pétrole et menacent de marcher sur Ouargla puis sur Alger puis l'ONU. Dans toute cette longue histoire, vous l'avez peut-être remarqué, il y quelqu'un qui n'a rien dit. Jusqu'à hier. C'est le groupe des descendants de Messaoud, le fondateur. Ils sont en sit-in depuis quelques jours à Hassi Messaoud pour demander des comptes sur les 4 kilomètres carrés de leurs terres. A Algérie news, le porte-parole de la tribu a été clair «Prenez le pétrole mais rendez-nous la terre» dira-t-il aux autorités. L'enjeu n'est pas une demande d'actions dans l'actif de Sonatrach, mais seulement la justice. Déclaré zone nationalisée et inconstructible, Hassi Messaoud est depuis peu l'objet de spéculations foncières effrénées. Là où on dit aux Messaoud que la terre est à l'Etat et pas à leur père, d'autres sont venus du Nord, prennent des lots, construisent des parkings et des stations, en prévision du basculement du statut de la ville. Si on prend la terre aux Messaoud, pourquoi la redonner à des courtiers alors ? C'est ce que veulent les Messaoud qui précisent, en sit-in, que sur les 600 membres de la famille «seuls 06 travaillent dans le pétrole». Belle plaisanterie faite à Messaoud et à son puits. Et le vrai puits, celui de l'eau ? «Il tombe en ruine», précisent les héritiers, consternés. La morale de cette histoire nationale ? Evidente : le contrat social est rompu. Les Algériens réclament la restitution de leur bien individuel car il n'est plus un bien collectif. Si on refuse aux Messaoud la terre et le travail au nom de la nation, pourquoi les redonner à des revendeurs alors ? Messaoud est-il un ancien Moudjahid ? Un ancien propriétaire ou le premier Algérien à s'être fait rouler par l'histoire algérienne ? Ses enfants ont une réponse. Ils sont à Hassi Messaoud, au centre-ville. |
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