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Alors que l'on croyait, à tort, que l'épisode «Persépolis» et la
représentation divine en vieillard barbu, clos, les événements de vendredi ont
remis sur le plateau des interrogations sur les raisons d'une violente
déferlante d'islamistes que d'aucuns n'hésitent pas à lier au mouvement salafiste.
Depuis le 9 octobre, date où le siège de Nessma TV, propriété des frères Karoui, a été pris d'assaut par près de 200 salafistes en raison de la diffusion du film «Persépolis», suivi d'un débat sur l'intégrisme religieux. Ce vendredi, le domicile de Nabil Karoui, le PDG de la chaîne privée tunisienne Nessma, à la Soukran, banlieue tunisienne, a été attaqué vers 20 h, heure locale: «Un groupe d'une centaine d'hommes», avait déclaré la présentatrice de la chaîne, au cours du journal du soir, rassurant sur le sort de la famille, précisant qu'elle avait pu être sauvée «in extremis». La chaîne Nessma a directement mis en cause les islamistes. Selon l'Intérieur, «une centaine de personnes se sont présentées devant la maison de M. Karoui. Ils ont forcé la porte extérieure, cassé des vitres et arraché deux tuyaux de gaz et cinq personnes ont été arrêtées ». Sofiane Ben Hmida, un des journalistes vedettes de la chaîne, évoque quant à lui une vingtaine d'hommes qui seraient parvenus à entrer dans la maison, où se trouvaient la femme et les enfants de M. Karoui. Ce dernier n'était pas chez lui lors de l'attaque. «La famille a pu sortir par derrière et est en sécurité. Les assaillants ont saccagé la maison et ont mis le feu», a-t-il dit. Une femme de ménage qui s'y trouvait aurait été agressée et hospitalisée. Cette agression fait suite à une véritable campagne appelant à lyncher le PDG de Nessma TV ainsi que sa famille; dimanche dernier, l'immeuble où habitent les Karoui a été attaqué. «Ils voulaient nous brûler dans l'immeuble », a déclaré Nabil Karoui dans un entretien accordé à un quotidien national. L'immeuble était sous surveillance policière, particulièrement en prévision de la marche annoncée pour le vendredi 15 octobre contre Nessma TV et qui devait passer par le domicile du PDG de la chaîne. Ce dernier avait déclaré craindre pour ses enfants, sa famille et ses employés. Les manifestations qui se sont déroulées après la prière du vendredi, dans divers endroits de la capitale Tunis, ont tourné à la confrontation avec la police. Les manifestants ont été refoulés par des tirs de lacrymogènes avant de revenir à la charge. La plus grande manifestation, dans le centre de la capitale tunisienne, a réuni des milliers de personnes et s'est déroulée pacifiquement jusqu'à l'arrivée près de la Casbah, où siège le gouvernement. Après que les femmes eurent été mises à l'écart, le noyau dur, composé essentiellement d'hommes en barbe et tunique, s'est approché des barrages policiers en brandissant des drapeaux du parti salafiste, Tahrir, non légalisé, et scandant des slogans hostiles à Nessma TV. Refoulés par des tirs de lacrymogènes, ils sont revenus à la charge. Des manifestations du même ordre se sont déroulées dans le quartier populaire de Mellassine, à Bab Saadoun, cœur d'activité de la capitale, et au Bardo, dans l'ouest de Tunis. Cette montée au «front» des salafistes, commencée à moins de quinze jours de l'élection d'une assemblée constituante, prévue le 23 octobre, pose plusieurs interrogations sur le rôle joué par le mouvement islamiste Ennahda, donné grand favori de ces élections. Défenseurs des droits de l'homme, militantes féministes et associations ont déjà dénoncé le «double discours» des islamistes, notamment d'Ennahda qui, selon eux, condamne la violence tout en encourageant en sous-main les salafistes pour imposer leur idéologie à la société tunisienne. Un argumentaire repris par la chaîne qui a dénoncé à l'antenne «l'incitation au crime» de certains imams et un «double discours» d'Ennahda. Interrogé après la tentative d'incendier le siège de Nessma TV, Samir Dilou, membre du bureau politique du parti de Rached Ghannouchi, expliquait que cette attaque n'était ni plus ni moins qu'un « acte isolé », affirmant qu'il « n'y avait pas à s'inquiéter », appelant au calme et « à ne pas brouiller les cartes ». Le même discours de circonstance a été tenu hier par le parti, à travers la voix d'Ali Larayedh, membre du bureau exécutif d'Ennadha, qui a déclaré que « nous condamnons la violence. Nous avons toujours appelé à la défense de nos idées dans le cadre d'un débat pacifique et respectueux. Nous sommes totalement étrangers à ces actes de violence». Une autre manière de se démarquer des salafistes, alors que le mouvement avait publiquement «répudié» les salafistes après l'attaque, fin juillet, d'un cinéma de Tunis qui avait diffusé un film de Nadia El-Fani sur la laïcité. Minoritaires mais bruyants, ces fondamentalistes, qui prônent une application littérale de la charia, sont estimés par les chercheurs à un maximum de 200 en Tunisie, mais disposeraient d'un réservoir de 5 à 7.000 sympathisants. |
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