«
Je». Ce n'est pas immense et cela ne pèse pas sur la terre mais seulement sur mes
chaussures. Je n'ai pas une armée, de terres étendues pour vous accueillir et
vous recueillir. Je n'ai pas autre chose que mon salaire si je pouvais le
partager et donc pas d'argent pour vous financer et vous donner l'eau ou le
pain et le pansement. Je ne suis pas un Etat, ni un gouvernement, ni un
ministre et à peine un citoyen. Je n'ai pas d'avions, pas de droit de veto à
l'ONU et je n'ai pas de bateaux pour vous ramener se reposer chez-moi ou vous
fournir des armes et des poèmes. Je n'ai donc que ma voix et je m'en sers ici
pour vous crier, de loin, que je reconnais le Conseil national Syrien comme
seul représentant du peuple syrien qui meurt et se relève, qu'on tue et qui ne
s'en va pas, qu'on torture et qui chante. Aucun autre pays, mise à part la Libye qui en connaît un bout
sur la mort, ne l'a encore fait. Ni les monarchies, ni les Dictatures. Vous
êtes seuls comme je le suis. Je m'empresse donc d'être le premier, à titre
individuel, seul sur ma colline, avec ma sincérité et ma télécommande de reconnaître
le CNS qui vous représente. Je sais que cela ne changera pas grand-chose en
politique internationale ni même dans le vol d'un oiseau, mais je voulais
libérer ma conscience, me laver les mains de l'indignité et assumer ce que je
possède : ma propre présence sur terre. Je sais que cela peut paraître ridicule
et comique, mais je vous jure que j'y tiens. Je ne voudrais pas que l'histoire
me confonde avec mon régime et ses choix, ni avec ceux qui vous tuent ou
ferment les yeux sur vos morts et vos martyrs.
Moi,
je suis «Je». Nu mais sincère, faible mais tenace. Je ne change pas le monde
mais je peux participer à le changer. Je ne change pas le monde mais je ne
voudrais pas que le monde me change, a répondu le Prophète de Jabran Khalil Jabran. J'en fais de
même ! Je m'assume et mets ma voix du bon côté de l'Histoire. Je voudrais
mourir propre et pas salir par mon silence. Je voudrais rencontrer les vôtres, dans
l'au-delà, le regard fier et l'échine levée. Je me sens responsable de mes
actes et j'en fais acte, donc. Je suis né seul du ventre de ma mère et la terre
m'enterrera seul. Je n'ai attendu personne pour naître et personne ne mourra à
ma place. Du coup, j'ai conclu que ce qui se passe entre ces deux moments, dépend
de moi, de moi seul, entre moi et mon prénom et que je ne peux me cacher
derrière le dos d'aucune autre personne. J'ai donc décidé de faire ce que je
peux : avec la bouche, le mot, l'écrit, le dinar ou regard. Je reconnais donc
le CNS comme unique représentant de la
Syrie et le Régime de Bachar comme
unique représentant de la mort dans la Syrie. Dont acte.»