L'épouse de Liès Hebbadj,
ce Nantais, un temps menacé d'être déchu de sa nationalité française par l'ex-ministre
de l'Intérieur Brice Hortefeux en raison de sa
polygamie, et l'une de ses trois compagnes seront jugées le 21 novembre par le
tribunal de police de Nantes pour avoir enfreint la nouvelle loi qui interdit
«la dissimulation du visage sur l'espace public».
Les deux femmes avaient été contrôlées jeudi dernier par des policiers
dans la rue alors qu'elles étaient complètement voilées, et le contrôle avait
été mené suite à un courrier du maire socialiste de Rezé au préfet. M. Retière a ainsi adressé, le 5 octobre dernier, un courrier
au préfet de Loire-Atlantique pour lui signaler que «ce non-respect de la loi
du 11 octobre 2010 a
indirectement entraîné un vif conflit avec des familles appartenant à la
communauté des gens du voyage, allant jusqu'à une échauffourée devant les
enfants». Il précisera plus tard qu'«il y a eu effectivement une tentative
d'enlèvement du voile». L'édile de Rézé indiquera
dans ce courrier que c'est à la suite de cet incident qu'il a demandé aux
forces de police de Rezé de «diligenter un équipage aux heures d'entrée et de
sortie de l'école afin que la loi interdisant la dissimulation du visage dans
l'espace public soit respectée». M. Retière a
également évoqué ce qu'il qualifie de provocation délibérée de la part de la
femme voilée. «Je crois que c'est un peu une provoc, un affrontement est
recherché», a-t-il notamment déclaré lors d'un point presse vendredi, au
lendemain du constat d'infraction pour visage dissimulé sous un niqab, dressé par les policiers devant l'école à l'encontre
de l'épouse de M. Hebbadj. L'épouse et la compagne de
Liès Hebbadj ont refusé de
solder le litige par une simple ordonnance pénale alors que le dispositif
utilisé pour les délits mineurs permet habituellement de faire l'économie d'un
procès. «Elles reconnaissent les faits, mais contestent le principe de la
contravention», explique le procureur de la République de Nantes. Selon la loi
votée, précisément il y a presque un an, le 11 octobre 2010, mise en
application en avril 2011, dissimuler son visage dans l'espace public, que ce
soit avec un voile, une cagoule ou un masque, est passible de 150 euros
d'amende et/ou d'un stage de citoyenneté. C'est ainsi qu'en septembre dernier, deux
Françaises, Hind Ahmas, 32
ans, et Najat Naït Ali, 36
ans, ont été condamnées à payer respectivement 120 et 80 euros par le tribunal
de police de Meaux, une petite ville de la banlieue parisienne, pour port de
voile intégral en public, en vertu de la loi controversée entrée en vigueur
depuis le 11 avril dernier. Selon des chiffres avancés par la presse française,
cette loi, portée par la ministre de la Justice Michèle Alliot-Marie, concerne moins de 2000 femmes, dans un pays
qui compterait entre quatre et six millions de musulmans. Hind
Ahmas avait jugé que ces condamnations sont
appliquées sur la base d'une loi qui viole le droit européen. «Nous ne pouvons
accepter que des femmes soient condamnées au motif qu'elles vivent librement
leur conviction religieuse», avait-elle dit. Les deux femmes comptent saisir, après
l'appel, la Cour
européenne des droits de l'homme et s'attendent à ce que la loi soit annulée
définitivement. Elles ont déjà reçu l'appui d'Amnesty
International, l'organisation de défense des Droits de l'homme, qui a qualifié
de «parodie de justice» les amendes infligées et dénoncé «un jour de honte»
pour la France.
«Au lieu de protéger les droits des femmes, cette interdiction viole leur
liberté d'expression et de religion», a déclaré John Dalhuisen,
directeur adjoint d'Amnesty pour l'Europe et l'Asie
centrale. Pour rappel, plusieurs femmes ont déjà été verbalisées en pleine rue
par la police et des procédures sont en cours contre d'autres alors que les
prières de fidèles musulmans dans la rue sont interdites depuis la mi-septembre.
La France
reste le premier pays européen à avoir procédé à une interdiction généralisée
du port de la burqa en public, suivie de la Belgique alors que les
Pays-Bas avaient annoncé leur intention de faire de même. En mai 2010, une
femme musulmane a été condamnée à payer une amende de 500 euros pour port de la
burqa, en violation de l'ordonnance du maire de Novara, une commune du nord de l'Italie.