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La Turquie devra un jour ou l'autre assumer la page noire de son histoire que fut le massacre à grande échelle des Arméniens en 1917. Mais ce n'est certainement pas à la France de lui en faire l'exigence, elle qui persiste dans la glorification de son passé colonial et le refus de reconnaître la réalité des crimes contre l'humanité commis par son Etat durant cette période. Avant de se piquer de faire la morale à la Turquie, le pays de Sarkozy aurait dû balayer chez lui en faisant ce qu'il demande à ce pays. L'Etat français a plus de cadavres dans l'armoire de son passé colonial que la Turquie. Il doit répondre, entre autres forfaits, des massacres de Sétif et de Madagascar, de la répression au Cameroun, des fusillés du camp de Chiaroye, des gazés de la guerre du Rif, pour n'en citer que quelques-uns de la longue et tragique liste qui lui est opposable en la matière. Le président français a été mal inspiré et pour tout dire indécent en interpellant la Turquie sur l'obligation pour elle de reconnaître la réalité du massacre des Arméniens en 1917, à la veille de la commémoration par les Algériens du 51e anniversaire des tueries en Octobre 1961 dans l'Hexagone de centaines de leurs compatriotes. Les crimes commis par l'Etat français en Algérie et dans ses autres ex-colonies sont aussi imprescriptibles que l'est le massacre des Arméniens en 1917 par les Turcs. La France «donneuse de leçon» est dans la même situation de déni d'un pan de son passé que la Turquie. Pourquoi donc Sarkozy veut obtenir d'Ergodan ce que lui refuse de reconnaître pour la France ? Nous ne ferons pas insulte à l'intelligence du Président français de ne pas être conscient que le pays qu'il dirige n'a pas le magister moral qu'il faut pour poser à l'Etat turc l'exigence de reconnaissance. Ce n'est pas de lui que le Premier ministre turc acceptera la leçon. Sarkozy le sait et ce n'est pas dans ce but qu'il a fait sa sortie. En instrumentalisant le problème de la reconnaissance du massacre des Arméniens en 1917, le Président français a visé un objectif électoral, celui de rallier à sa candidature pour 2012 les nombreux Français d'origine arménienne. Sarkozy, dont la cote de popularité est au plus bas dans les sondages à quelques mois de l'élection présidentielle, ne recule devant aucun stratagème pour tenter d'inverser la tendance. La situation intérieure française, telle qu'elle se présente après quatre années de sa présidence, le contraint, pour essayer de redorer son blason, de se montrer «hyperactif» sur la scène internationale. A ce titre, la Turquie, dont l'entrée à l'Union européenne fait débat en France particulièrement et qui est train de jouer avec succès au compétiteur de l'Occident dans des zones que la France et d'autres puissances occidentales estiment être leur pré carré, lui a paru le pays sur le dos duquel il pourrait se tailler le costume d'homme d'Etat de grande dimension qu'il n'est pas dans la gestion intérieure de la France. L'épisode du massacre arménien est certes un point noir pour la Turquie, mais ce pays avec Erdogan a tout de même noué des contacts et un dialogue avec l'Arménie pour dépasser sans passion ce sombre épisode de leur histoire commune. Il donne par ailleurs l'exemple d'un pays en train de devenir une «république vertueuse» à tous points de vue, alors que la France de Sarkozy est devenue celle des coquins et des copains. |
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