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moi, je résume l'histoire de tous par l'histoire d'un seul. Comme ça, l'histoire
algérienne, je la comprends mieux. J'explique : je prends tout le peuple sous
la forme d'une seule personne et je dialogue avec elle. Pour toi, si je te
rencontre dans la rue ou autour d'un pain, je te pose la question classique : Que
fais-tu dans la vie ? Tu me répondras : Médecin, ou enseignant, ou riche
rentier ou commerçant. Je te jugerais alors pour ta profession, ton habit ou
ton fric. Je pose la question au Peuple que je traite comme une seule personne :
Que fais-tu dans la vie ? Réponse : Je vis. Tu sais faire quoi ? Le peuple
algérien répond : Rien. Je ne sais rien faire. Ni avec les mains, ni avec les
pieds, ni avec la tête. Dans la division du travail internationale, ce peuple
n'a pas de métier connu. Il ne sait rien faire. Sauf peut-être acheter ou
revendre. Mis à part ça, aucun don ou métier ou génie. Chasseurs de colons peut-être,
mais tous les trois siècles souvent et après une longue hésitation sur les
moyens et l'heure.
Tu comprends donc, que si moi j'étais un
étranger, je serais un peu hésitant à faire confiance à un peuple chômeur, lui
marier ma fille la plus belle ou lui prêter de l'argent. Ou même l'accueillir
et le laisser dormir chez moi en mon absence. Les peuples qui ne savent rien
faire sont tentés par n'importe quoi. La guerre, la barbarie ou l'audace et la
mer. On peut en faire un grand peuple, dans l'action, mais c'est une menace
dans le désœuvrement. Il faut le surveiller, le faire manger et ne jamais le
laisser seul. L'entretenir mais ne pas investir de l'émotion sur sa nature et
sa pelure. Pour l'essentiel, c'est comme ça que je vois le peuple et que je me
vois. Je me résume et résume l'histoire de tous dans ma façon d'ouvrir ma porte
à un étranger que je connais, qui est moi mais dont je
me méfie. C'est compliqué ? Oui. C'est un métier que l'étrangeté. On se connaît
mais on se tourne le dos. On se serre la main en serrant une pierre. Il faut
donc apprendre un métier pour ce peuple. Vite. Comme ça on pourra le marier au
reste du monde. D'ailleurs, pour le moment, aucune famille internationale n'en
veut : il n'a pas de maison. Même chez lui, il est locataire. Pas d'argent, pas
d'avenir, pas de vêtement, pas d'avenir et un gros passé sur le dos. Pas de
quoi donc ?»