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Quelle est la particularité de la présidence Sarkozy
? Une proximité jamais égalée dans les annales de la 5e République française
entre le sommet du pouvoir (et du parti au pouvoir, l'UMP) avec les puissances
d'argent. L'affaire Takieddine, du nom d'un intermédiaire financier, qui
relance celle de Karachi, constitue le point d'orgue d'une série de scandales
révélatrice des mœurs d'une partie de la classe politique
française aspirée par l'affairisme.
La présidence «bling-bling», ainsi nommée pour l'appétit de ses animateurs pour le clinquant et le tape-à-l'œil, avait annoncé la couleur en assumant son intimité avec un capitalisme quasi institutionnel. Ces relations équivoques avaient été portées au grand jour lors de l'affaire du financement illégal de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007 par Liliane Bettencourt, une des grandes fortunes françaises. La sombre affaire Clearstream, où des industriels, des espions et des hommes politiques ont été impliqués à des degrés divers, a davantage exposé cette part d'ombre en occultant le dossier explosif - mais enterré - des frégates vendues à Taïwan sous le règne de François Mitterrand. La dernière affaire en date, d'une extrême gravité, portée à la connaissance du public par le site d'information Mediapart, provoque un séisme de première grandeur. Documents à l'appui, le site montre la collusion entre caciques de l'UMP et le richissime Ziad Takieddine, courtier quasi officiel pour les ventes d'armes. Takieddine, entre deux voyages à Tripoli, où la droite sarkozyste entretenait, à travers ce personnage et jusqu'à il y a peu, les meilleurs rapports avec l'ex-Guide, aurait joué un rôle central dans la gestion des dessous-de-table liés à la vente de sous-marins français au Pakistan, alors qu'Edouard Balladur était Premier ministre. Une partie de cet argent sale serait revenue en France sous forme de rétro-commissions destinées à financer le candidat Balladur, dont Nicolas Sarkozy était le porte-parole de campagne. Chirac, réélu, a bloqué les dessous-de-table à des officiels pakistanais, ce qui aurait provoqué l'attentat de Karachi le 8 mai 2002, causant la mort de 11 Français. L'obstination des familles des victimes, convaincues que leurs proches avaient payé de leurs vies des tractations inavouables, et les révélations dues à la guerre entre fractions de droite ont étayé la thèse du règlement de compte financier. L'ambiance délétère qui prévaut dans les coulisses du pouvoir français est exacerbée par des haines inextinguibles : dans une atmosphère de complots et de chausse-trappes, tous les coups sont permis. Pour servir de contre-feu à l'affaire Karachi, un avocat proche de Sarkozy, Robert Bourgi, icône de la FrançAfrique, a affirmé avoir remis des valises pleines de billets de banque à Jacques Chirac en présence de Dominique de Villepin, et même au très raciste Le Pen. Un secret de Polichinelle. Les dirigeants africains financent aussi la vie politique française, arrosant aussi bien à gauche qu'à droite l'échiquier politique pour des campagnes électorales ou pour le « simple » enrichissement personnel. Le contre-feu Bourgi ajoute au climat, il n'altère pas la volonté de certains juges de faire leur travail. Ils sont aidés par des médias, nouveaux, qui échappent au contrôle des groupes financiers. Cette « possibilité » de travailler, les juges comme les journalistes la doivent au caractère d'Etat de droit d'une République dont certaines élites ont visiblement perdu toute retenue. Cette action des juges et de la presse libre est le signe d'une vitalité. Que seul l'Etat de droit rend possible. |
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