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Les investissements publics bientôt insoutenables à 55 milliards de dollars d'importation

par Yazid Taleb

L'excédent commercial algérien peut disparaître dès 2012. Les importations, en sérieuse hausse en 2011, s'installent sur un palier de 55 milliards de dollars services compris. Les recettes énergétiques redeviennent incertaines. Une seule variable d'ajustement immédiate, réduire la voilure du programme d'investissements publics et le niveau des subventions à l'importation. Le pouvoir politique ne l'entend pas ainsi.

La progression impressionnante des importations algériennes qui se sont établies à plus de 23 milliards de dollars au cours du premier semestre 2011, en hausse de plus de 16% par rapport à l'année dernière, marque la fin de la politique d'endiguement tous azimuts menée avec un certain succès depuis la fin 2008 par le gouvernement Ouyahia. La stabilisation enregistrée en 2009 et 2010 qui a permis de ramener, en rythme annuel, les importations nationales autour de 38 milliards de dollars laisse désormais la place à un scénario de progression voire d'emballement des achats de l'Algérie à l'extérieur qui soulève de nombreuses interrogations

La première concerne l'explication à donner de ce nouvel accès de fièvre des importations algériennes. Dans ce domaine, il est important de souligner que tous les groupes de produits ne sont pas concernés de la même manière par l'augmentation enregistrée depuis le début de l'année. La hausse la plus importante de la structure des importations a été enregistrée par les produits alimentaires qui augmente de près de 60%, ils sont suivis par les «produits bruts» qui augmentent de plus de 35% et des biens de consommation non alimentaires qui sont en hausse de plus de 28%. Les autres groupes de produits de la structure des importations ont connu des hausses nettement plus modérées.

Effets pervers

Une analyse plus fine révèle qu'au sein des produits alimentaires, les importations de céréales occupent une place prépondérante. La facture céréalière de l'Algérie a enregistré un nouveau record au 1er semestre 2011, atteignant plus de 2 milliards de dollars. Les achats du pays concernent en grande partie le blé tendre, avec 3 millions de tonnes pour un montant de 1,1 milliard de dollars. Au total, la facture céréalière de l'Algérie est en hausse de près de 110% par rapport à la même période de 2010. Les explications de cette envolée sont de plusieurs ordres. Une d'entre elles, souvent évoquée par les pouvoirs publics, concerne les prix internationaux en hausse sensible depuis plusieurs années. La seconde est moins connue. Le directeur européen d'un bureau d'étude spécialisé commente : «il s'agit des effets pervers du soutien des prix. Le blé tendre destiné à la production des farines, le blé dur transformé en semoule sont cédés à un tiers de leur prix de revient par les producteurs et les importateurs. C'est un encouragement puissant à la consommation».

Deuxième poste responsable de la flambée des importations les achats de biens de consommation non alimentaires sont essentiellement stimulés par la reprise du marché de l'automobile qui s'est accélérée au premier semestre 2011 (+33,6%). Pour notre économiste : «Les augmentations de salaires depuis le début de l'année ont largement contribué au mouvement. Ce sont des effets non recherchés de la politique économique mise en œuvre depuis le début de l'année qui ont des conséquences directes sur la balance commerciale du pays».

La «soutenabilité» de la balance commerciale en question

Le niveau atteint par les importations amène évidemment à se poser la question de sa soutenabilité. L'économie algérienne s'oriente vers un niveau d'importation de marchandises qui devrait largement dépasser 45 milliards de dollars en 2011. Si on ajoute des importations de services qui ont atteint plus de 11 milliards de dollars en 2010 , la facture d'importation globale se situera dans une fourchette de 55 à 60 milliards de dollars dès cette année sans que rien pour l'instant ne permette d'envisager une stabilisation au cours des années à venir. L'hypothèse d'un fort ralentissement de la croissance économique mondiale voire d'une nouvelle dépression rend l'équilibre plus aléatoire. Dans ce scénario, comparable à celui de l'année 2009, le recul des recettes pétrolières algériennes pourrait dès cette année et plus probablement en 2012 provoquer la disparition de l'excédent commercial qui s'est établi au premier semestre 2011 à un peu plus de 13 milliards de dollars. Un cas de figure qui rendrait nécessaire, dès l'année prochaine, le recours à des réserves de change, qui ont atteint 162 milliards de dollars à fin 2010, pour financer partiellement les importations nationales.

Les perspectives à moyen terme sont encore plus inquiétantes si aucun des accélérateurs des importations n'est traité.

Au cours des dernières années, les importations tant de marchandises que de services ont été gonflées par les importations liées au volume important des équipements publics. Le rythme des investissements publics ne devrait pas baisser au cours des deux prochaines années du quinquennat présidentiel comme l'indique le chiffre avancé de 150 milliards de dollars, soit près de 30 milliards de dollars en moyenne par an, d'investissement public. Il paraît d'ores et déjà insoutenable au-delà de 2014. La seconde vague d'équipements qui doit succéder à l'autoroute Est-Ouest, la première ligne de métro à Alger, les trois chantiers de tramway déjà lancés, devrait connaître des arbitrages politiques sous fortes contraintes de ressources financières. Des bruissements à ce sujet filtrent déjà des cabinets ministériels.