Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Une analyse objective de la situation sur le terrain et du rapport de
forces militaires ne permet qu'une seule conclusion: le régime de Kadhafi est
fini. Ce n'est plus qu'une question de temps. Mais dans une guerre? les médias
font aussi la guerre. En Irak, on avait fait le raccourci avec les «médias embedded» dans les chars de l'armée américaine. En Libye, les
médias font, en fonction des intérêts de leur Etat, le même boulot guerrier.
Le patron d'Al Jazira, l'émir du Qatar, fait partie de la coalition qui mène la guerre en Libye. Et on peut affirmer que ce ne sont pas ses avions qui sont l'apport le plus significatif à cette guerre mais la chaîne Al Jazira, elle-même. En l'occurrence, l'émir n'a presque pas besoin de faire beaucoup d'efforts. Il s'est créé un «esprit Al Jazira» où les journalistes ne se contentent pas de faire un métier mais font la «révolution». Les faits qui l'attestent sont légion et, bien entendu, ceux qui font ces constats sont catalogués par les «fans» d'Al Jazira - ça existe dans la corporation - comme des suppôts des dictatures. Même si on affiche son mépris le plus total pour l'absurde tyrannie de Kadhafi et sa progéniture, le fait de constater qu'Al Jazira fait de la propagande plus que de l'information n'est pas admis. Faire le même constat pour la chaîne Al Arabiya suscite moins de critiques. Al Arabiya comme chacun ne le sait pas «couvre» aussi parfaitement qu'Al Jazira ce qui se passe au Bahreïn et s'intéresse particulièrement au statut de sujets de seconde zone réservé aux chiites et aux femmes? On se passe de faire des constats élémentaires sur les médias occidentaux où, de manière à peine plus fine, des «experts» viennent expliquer aux gens ce qu'il faut impérativement comprendre. Démoraliser les partisans de Kadhafi Le régime de Kadhafi est fini. Les médias en guerre n'inventent rien, c'est une vérité. Le régime de Kadhafi est-il « déjà » fini ? Voilà qui est moins sûr et voilà ce que les médias en guerre étaient tenus de faire passer. Avec un objectif précis: démoraliser ce qui reste de soutien au régime de Kadhafi et les dissuader de combattre. Cela s'appelle de la guerre psychologique. Cela a toujours accompagné les guerres et celle qui se déroule actuellement en Libye ne déroge pas à la règle. Il s'agit d'accélérer la décomposition du régime qui est en cours. Les médias jouent la partie en toute conscience « patriotique » pour certains et par dépendance à l'égard des sources. L'information fait partie de la guerre. On peut décrypter son fonctionnement ces derniers jours sur la Libye. La première mission est de mettre en exergue que la libération de Tripoli est le fait des rebelles libyens et il fallait mettre au second plan la grande part de l'Otan. Et surtout éviter de poser les questions sur le subit renversement de la situation militaire qui serait, selon des analystes non médiatiques, le fait d'un apport externe qualitatif constitué par l'intervention de forces spéciales occidentales sur le terrain. Un écran de fumée à double usage L'écran de fumée est donc à double usage: mettre en valeur les forces rebelles et surtout masquer l'intervention, illégale aux yeux de la résolution du Conseil de sécurité, sur le terrain des forces spéciales occidentales. La seconde « mission » relève de la guerre psychologique. Il s'agit de pousser ceux qui soutiennent encore Kadhafi à abandonner la partie. L'annonce de l'arrestation de Seif Al Islam, « confirmée » par le président du CNT, est un modèle du genre. Son but de propagande était évident. Mais on semblait tabler sur le fait que l'homme devait se terrer quelque part. Son apparition hier devant les télévisions, occidentales, au milieu de ses partisans, a semé la confusion dans le «planning média» de la guerre. C'est peut-être le «dernier coup» de Seif Al Islam mais l'embarras des médias «embedded» était perceptible dans la soirée de lundi à mardi. Le fils de Kadhafi s'est même offert une virée en 4x4 devant l'hôtel Rixos où séjournent les journalistes étrangers. C'est peut-être sans lendemain - personne n'est cependant en mesure de prévoir ce que sera la Libye des tribus qui remplacera celle de la Djamahirya - mais ces faits illustrent parfaitement le fait que l'information est devenue une affaire trop sérieuse pour que les militaires la laissent aux journalistes. Même aux « journalistes révolutionnaires ». Durant la guerre, les médias doivent agir en soldats. |
|