Les pénuries répétées de médicaments restent une énigme même pour les
professionnels du secteur. Une situation bien réelle qui dure depuis des années
et pour laquelle aucune explication claire n'est donnée même de la part du
ministère de la Santé. La
liste des produits en rupture de stocks s'allonge de jour en jour au moment où
la tutelle refuse d'admettre cet état de fait préférant minimiser le problème
et parler de simples perturbations dans le marché. Une position que les
professionnels du médicament ainsi que les associations de malades ne cessent
de dénoncer avec force soulignant que le pire est à venir si aucune mesure
urgente n'est prise pour réguler ce marché, devenu otage de ce qu'ils qualifient
du « lobby du médicament ». Des voix s'élèvent pour proposer des solutions. C'est
le cas du directeur général de la pharmacie centrale des hôpitaux (PCH), M.Cherif Dellih, qui est sorti de
sa réserve pour lancer un appel aux pouvoirs publics pour l'exemption des
produits pharmaceutiques de son établissement des dispositions de la loi sur
les marchés publics. Il a, également appelé les pouvoirs publics à confier
l'importation des produits pharmaceutiques entrant dans le cadre de programmes
de prévention à la PCH
en vue d'éviter «les ruptures répétées». Le premier responsable de cet
établissement public, dans une déclaration à l'APS, reconnaît sans détour
l'incapacité de la PCH
d'assurer l'approvisionnement et le maintien d'un stock de sécurité de médicaments
pour une durée de six mois. Des déclarations qui expliquent clairement le
problème qu'a connu la pharmacie centrale dernièrement avec une rupture de
stocks de plusieurs médicaments vitaux au niveau des hôpitaux et qui a provoqué
la colère des médecins et malades. Pour le directeur de la PCH, son établissement ne doit
pas être « soumis aux mêmes dispositions que celles imposées aux autres
produits importés », arguant que l'établissement en question est tenu de
distribuer les médicaments sur les structures hospitalières mêmes si ces
dernières ne sont pas en mesure de s'acquitter de leurs prix ou des créances de
la PCH. D'où
la difficulté pour celle-ci d'en assurer l'approvisionnement. Il indique
d'autre part que « les hôpitaux accusent un retard dans l'acquittement de leurs
dettes car ils ne bénéficient du budget de fonctionnement qui leur permet de se
doter en médicaments qu'à partir du 2e trimestre de l'année outre les
dispositions de loi sur les marchés publics auxquelles ils sont soumis. Comme
solution, le même responsable propose que la pharmacie centrale soit « dotée
des moyens financiers suffisants qui lui permettent d'assurer pleinement sa
mission vu les dysfonctionnements financiers auxquels elle est exposée ». Evoquant
l'approvisionnement de la PCH
auprès d'opérateurs privés, M.Dellih attire
l'attention sur l'inexistence d'une institution étatique devant prendre en
charge la non disponibilité des médicaments en cas de défaillance de ces
opérateurs qui, estime-t-il ne respectent pas le choix des produits définis
dans le programme national d'importation de médicaments. Même son de cloche
chez le syndicat national des pharmacies d'officines (SNAPO). Son président, M.Belambri, dénonçant cette opacité qui continue à régner
dans le marché du médicament et l'absence de toute explication sur les raisons
des pénuries répétées, se dit favorable pour la levée de toute mesure
contraignante qui peut avoir des conséquences négatives sur la disponibilité du
médicament. Pour le SNAPO, toute structure que ce soit la PCH ou les officines doit
avoir un stock de sécurité qui lui permet d'assurer un approvisionnement
continu sans interruption. C'est loin d'être le cas actuellement, souligne le
président du SNAPO qui estime que des réformes doivent être apportées au secteur
avec des évaluations et un diagnostic établis en collaboration avec les
professionnels afin d'adopter les solutions qui s'imposent. « Le système actuel
a prouvé ses limites. Conséquence le marché est incertain et on ne sait pas ce
que sera demain avec des livraisons rationnées et des quantités très limitées
qui ne suffisent pas à la demande », explique-t-il. Il dénonce les exclusivités
et le monopole détenus par certains importateurs pour
certains médicaments, les pénuries inexpliquées, les ventes concomitantes et le
lobby des médicaments qui gangrène le marché. Avec une liste de 250 médicaments
en rupture, le premier responsable de ce syndicat se montre pessimiste en
exprimant une crainte que « le pire est à venir en matière de disponibilité et
depuis que le gouvernement a fait marche arrière en 2010 sous la pression du
lobby de médicament en gelant l'instruction signée par le chef du gouvernement
stipulant que l'approvisionnement se fera directement par les producteurs aux
officines ».