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Le numéro deux de la rébellion libyenne tué: Mystérieux assassinat

par Yazid Alilat

Stupeur jeudi dans les chancelleries de la coalition occidentale qui mène la guerre contre le régime de Kadhafi : le général Abdelfattah Younès, un des dirigeants de la rébellion, ancien bras droit de Kadhafi ayant fait défection au début de l'insurrection en Libye, a été assassiné jeudi par des hommes armés, alors qu'il était en route vers Benghazi.

Ce coup de théâtre dans le conflit libyen, à un moment où l'option militaire prônée par le triumvirat Paris-Londres-Washington s'essouffle et que pointe la solution politique préconisée par l'Union africaine (UA), est de nature à compliquer davantage un conflit qui s'enlise de plus en plus. Sa mort est encore, 48 heures après, entourée de nombreuses inconnues.

Ancien responsable du régime de Kadhafi, son dernier poste étant ministre de l'Intérieur lorsqu'il avait rejoint les insurgés, le général Abdel Fatah Younès a été assassiné, selon le chef du CNT, Abdeljalil Mustapha. La nouvelle a été annoncée jeudi soir. Selon Abdeljalil, Abdel Fatah Younès, convoqué à Benghazi pour être interrogé sur la campagne en cours à Brega où il combattait contre les forces loyalistes, a été tué par un groupe d'hommes armés sur la route. "Nous avons été informés aujourd'hui que (...) Younès et deux de ses gardes du corps avaient été abattus après sa convocation devant une commission judiciaire enquêtant sur des questions militaires", a déclaré aux journalistes Moustafa Abdeljalil à Benghazi.

Les circonstances de la mort du général restent très confuses. Toujours est-il que selon la thèse officielle, celle du chef du Conseil national de transition (CNT) jeudi soir, est que le général Younès a été convoqué par une commission d'enquête pour évoquer des questions militaires et qu'il a été tué sur la route, entre Brega et Benghazi, par un groupe d'hommes armés. Deux officiers, ayant grade de colonels, ont aussi été tués avec lui. Moustapha Abdeljalil a indiqué que le chef du groupe qui a assassiné le général a été arrêté. Ce dernier aurait confirmé la mort du général. Cependant, l'identité de l'homme détenu par les rebelles n'a pas été révélée. Autre interrogation : pourquoi le corps du général et de ses deux aides de camp n'ont pas été retrouvés ? Selon le président du CNT, ils auraient été emportés par les tueurs. Hier vendredi en milieu d'après-midi, aucune information n'a été donnée sur le moment et le lieu de la mort du général Younès, que certains disent qu'il aurait été en contact avec le régime de Kadhafi pour négocier la fin du conflit, et notamment la question du départ du Guide de la révolution du pays. Vendredi, les rebelles s'attachaient à incriminer les pro-Kadhafistes dans cette attaque. Hier, lors de l'annonce de la mort du général, deux membres influents de la tribu du général Al-Obeidi entouraient le président du CNT lors de sa conférence de presse, une façon comme une autre de montrer que cette mort n'affecte en rien l'unité du Conseil. En fait, la situation était assez confuse jeudi soir à Benghazi, bastion de la rébellion libyenne, et cela a même failli dégénérer lorsque des hommes armés avaient essayé de pénétrer dans l'hôtel où le chef du CNT donnait une conférence de presse pour annoncer la mort du général Younès. Un groupe de soldats s'est dirigé vers l'hôtel en tirant en l'air mais a été empêché d'y pénétrer. Les journalistes qui couvraient cette conférence de presse ont ensuite été évacués de l'hôtel. Selon des témoignages d'habitants, les gens à Benghazi sont choqués et veulent comprendre ce qui s'est passé. Pour eux, les questions sont nombreuses: pourquoi le général a-t-il été convoqué pour être interrogé ? Et que lui reprochait-on ? S'agit-il d'un règlement de comptes au sein du CNT ou au contraire d'une embuscade réussie des hommes du colonel Kadhafi ? Certains disent que ce sont des insurgés qui ont assassiné le général, ne supportant pas d'être dirigés par un ancien du régime kadhafiste.

La brutale disparition du N° 2 de la rébellion donne une autre envergure à ce conflit qui perdure : d'un côté, une opposition armée et soutenue par une coalition internationale menée par la France, la Grande-Bretagne et les Etats-Unis, avec comme bras armé l'OTAN, et, d'un autre côté, un régime, bien qu'aux abois, trouve les ressources nécessaires pour résister.