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Tuerie en Norvège: Frankenstein

par Notre Bureau De Bruxelles: M'hammedi Bouzina Med

Pourquoi les Européens s'étonnent-ils de l'acte criminel et fou du tueur d'Oslo ? Lui, l'a fait à la place de beaucoup d'autres qui pensent comme lui. Il est l'enfant - monstre d'un discours politique et médiatique dominant aujourd'hui en Europe.

Le tueur fou d'Oslo et de l'île d'Utoya est le «produit» dérivé du discours politico-médiatique qui prédomine ces dernières années en Occident, particulièrement depuis les attentats terroristes du 11 septembre 2001 qui ont frappé les USA. La lutte globale antiterroriste, engagée depuis 2001 par les USA et soutenue par la Communauté internationale, a été accompagnée en Occident, par un discours politique de méfiance vis-à-vis du monde arabo-musulman et un récit médiatique primaire exacerbant les communautarismes, mettant en doute la réalité multiculturelle et multiethnique de cet Occident. Au lieu de se battre contre la thèse d'un affrontement des civilisations ou « choc des civilisations » que soutiennent les néo-conservateurs chrétiens ; les extrémistes islamistes et autres partis racistes et xénophobes, les partis politiques dominants en Occident ont, dans leur obsession de conquête du pouvoir, accompagné subtilement la thèse de Samuel Huntington, celle d'une incompatibilité des Arabes et de l'Islam avec les valeurs démocratiques occidentales. Et voilà les interminables débats sur le voile islamique, la « burqa », les mosquées, la place des musulmans dans la société européenne et bien d'autres sujets de société inondant les parlements nationaux et desquels « s'abreuvent » jusqu'au besoin de vomissement une grande partie des médias dominants. Et lorsque cela ne suffit pas, ce sont des partis politiques, dits démocratiques, qui relancent «l'affrontement» en organisant des séminaires et journées d'études sur «l'identité européenne», sur le relevé ethnique des populations et sur? l'immigration et l'échec du multiculturalisme. Voilà, le feu est allumé, reste à l'attiser sans répit jusqu'à la conquête du pouvoir suprême. Cette frénésie suicidaire du discours politico médiatique est, malheureusement, favorisée encore plus aujourd'hui par la crise économique internationale, résultant elle-même de l'accélération de la mondialisation.

 Les retombées du discours médiatique dominant sont telles, que l'occidental moyen est persuadé qu'il vit dans la précarité, guetté par la misère, menacé dans sa culture et son identité. La cause : l'immigration hors Occident. Pour l'instant, c'est l'immigration arabe et africaine qui est accusée du désordre « identitaire » et de la misère en Europe. Suivent depuis peu, les immigrés de l'Est européen. Bientôt suivront les « immigrés » euro européens de longue date. Que dis-je ? C'est peut-être même commencé. Oui, vendredi dernier, à peine le sommet extraordinaire de l'euro zone terminé, les télés françaises ont mis en exergue l'aide française à la Grèce : 15 milliards d'euros sur les 3 ans à venir. Le discours médiatique des télés françaises a expliqué combien cela va « coûter aux Français » et combien ils doivent se serrer, encore plus, la ceinture. Je plains les Grecs vivant en France. Sarkozy a grimpé dans les sondages, deux jours après, de 6 points. Ce n'est pas, il est vrai, toujours simple d'échapper au formatage programmé par le discours politique et médiatique. Quoi ? Les Occidentaux n'aiment pas les Arabes, les musulmans, les Noirs enfin, les étrangers ? Regardez l'appui et la solidarité aux révolutions arabes ! Bien sûr, les révolutions d'accord, mais tout en restant chez eux, les Arabes. Car, à la première « alerte » sur la probable invasion de réfugiés en Italie et en France, le dispositif de « protection » des frontières a été mis en branle. L'acquis de « Schengen » a été remis en cause, révisé parce que 3.000 réfugiés menaçaient 500 millions de 27 pays européens. Après cela, faut-il encore s'étonner de la montée des partis xénophobes et racistes en Europe ? De même, faut-il s'étonner de la persistance de l'extrémisme islamiste dans les pays arabes ? Le drame vécu vendredi par les Norvégiens est, en réalité, le drame de toute cette Europe qui a peur d'elle-même, plus que des autres. Les autres, cela fait longtemps qu'ils paient par le sang et les larmes leur désir de liberté.