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Les indignados espagnols, dont l'action s'étend doucement aux
autres pays européens, pensent également à l'économie et aux crises de la dette.
Ils estiment que ces questions présumées compliquées sont trop sérieuses pour être laissées aux experts et autres banquiers. Sur la Puerta del Sol, des idées inconvenantes et iconoclastes vue du «système» s'expriment ouvertement. Madrid 23 juillet, tard dans la nuit. La grande Marche Populaire des Indignados a atteint son but. Dans la marée humaine de la Puerta del Sol, il est encore possible de repérer l'un des 7 cortèges venus de toute l'Espagne, ceux de la Marche du Nord sortie le 23 juin de Bilbao, rejoints par quelques émissaires de l'internationalisation des Indignés et de la «Spanish Révolution» : Grecs, Italiens, Britanniques? Le 25 novembre, ils marcheront à nouveau ensemble sur Bruxelles. Armés de tous les arguments pour dénoncer la politique de la Banque centrale européenne et de l'Union européenne. Au terme de la démarche, ils comptent proposer à l'adhésion populaire un recours judiciaire pour la violation de l'Article 104 du Traité de Maastricht. Un article qui aurait dû, selon eux, empêcher les refinancements d'établissements financiers que les populations payent au prix fort comme c'est le cas dans le présumé «sauvetage» du Portugal, de la Grèce. «Que paient la crise ceux qui l'ont créée !»: sur la base de cet objectif, les Indignés explorent de grands axes de travail, dont les principaux outils de concrétisation seraient l'obligation de consultations populaires préalables et des référendums contraignant, tant sur les mesures dictées de l'extérieur (UE..), que sur celles débattues dans les Parlements et ne figurant pas dans les programmes électoraux des partis, ou encore celles consécutives à des initiatives populaires significatives. Assemblée générale économique inter-quartiers Le M 15 ? le sigle du mouvement des indignés - considère «ouvertes» toutes propositions de ses commissions, groupes de travail, et assemblées. Et elles le restent tant qu'elles n'ont pas acquis le statut d'action à mettre en œuvre par le Mouvement. Entre-temps, les propositions sont soumises à «Consensus» qui est une démarche fondamentale du M 15 pour construire la démocratie participative qu'il revendique. Les propositions ne manquent pas. Dont celles du Groupe de Travail Economie du «Camp de Sol» avec ses sous-groupes (Emploi, Entreprises, Logement, Politique économique, Systèmes financiers, Relations économiques globales). Le 22 juillet, sur une place mitoyenne de celle de Sol, s'est tenue la première Assemblée générale économique inter-quartiers de Madrid. Une des mesures préconisées a gagné en «consensus» : soumettre à la consultation populaire la question des possibles responsabilités civiles et pénales dans le surendettement des familles. La question est d'une grande sensibilité. Le collapsus de l'immobilier a provoqué l'expulsion de leurs logements de milliers de gens étranglés par les hypothèques. Du beau monde dans le viseur de cette possible action judiciaire des indignés : «les gestionnaires des banques, taxateurs, le président de la Banque d'Espagne, les agences de notation et les responsables politiques», tous concernés par la fabrication de ces «subprimes» à l'espagnole. Une dette privée payée par les citoyens Une seconde proposition a aussi fait quelques pas. Elle se base sur une approche de la dette en rupture avec le discours dominant. Pour le M. 15, l'Espagne n'a pas un problème de dette publique. Il y a une dette privée démesurée qui met en danger la solvabilité de l'économie espagnole. Assertion largement confirmée par les chiffres. Selon la Banque Internationale de Paiement, à la fin 2010, la dette contractée par l'Espagne auprès des banques allemandes, françaises, britanniques et nord- américaines principalement, tout en étant extrêmement élevée, était d'abord le fait du secteur privé non-bancaire. La dette de ce dernier est faramineuse et atteint, selon la manière espagnole de chiffrer, la bagatelle de 405300 millions de dollars (405,3 milliards de dollars). Les dettes des banques privées atteignent la somme de 269700 millions de dollars (269,7 milliards). Le secteur public est bien loin avec 123000 millions de dollars (123 milliards) de dettes. Pour le M.15, les mesures de «sauvetage» des banques et établissements financiers, décidées par le gouvernement sans «consultation de la citoyenneté», sont dépourvues de «légitimité». Le gouvernement utilise l'argent des citoyens pour convertir les dettes privées en dette publique «que les citoyens paieront». Le fait que la «dette publique» soit mise au premier plan correspondant aussi à une manipulation double, selon eux. La première est celle des agences de notation et des banques qui en tirent de superprofits spéculatifs. La seconde est celle du gouvernement - d'un «système politique qui a capitulé face au pouvoir de l'argent»- pour imposer des mesures d'austérité et le transfert des services publics aux financements privés et accès payants. «Ce n'est pas une crise, c'est le système» Les «propositions ouvertes» sur la dette extérieure - tant celle contractée auprès de l'Espagne par des pays tiers que la dette publique de l'Etat espagnol - sont formulées dans les mêmes termes : «moratoire sur le paiement, jusqu'à ce que soit réalisé un audit intégral, prenant en compte les aspects économiques, sociaux et environnementaux, avec la participation d'agents sociaux et d'experts indépendants qui puissent évaluer sa légitimité. En cas de dette illégitime, son paiement sera annulé et il sera exigé des responsabilités civiles et pénales, tant aux débiteurs qu'aux créditeurs». Cette première Assemblée générale «Economie» avec participation des Groupes Economies d'une partie des 120 Assemblées Populaires de quartier de Madrid, a aussi préconisé la systématisation des «audits populaires» à la dette privée et aux banques. Sur ces thèmes compliqués, monopolisés longtemps par experts et autres ésotérismes, les Assemblées Populaires présentes réclament ateliers, conférences pour faciliter réflexions et cheminements des consensus. Il faudra du temps? Mais le temps, est sûrement une notion relative. Sinon comment comprendre qu'en moins de trois mois, les perceptions du M 15 ont évoluées à ce point ? Pour la 3ème marche du mouvement, celle du 23 juillet, un mot d'ordre, qui n'est plus de l'ordre des remèdes à la crise, a été «consensualisé». Simple et net: «Ce n'est pas une crise. C'est le système». |
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