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Six mois après le début de la révolte qui a renversé Hosni Moubarak, le
sort de l'ancien président, reclus dans un hôpital du Sinaï, plonge toujours l'Egypte
dans l'embarras: l'ouverture de son procès est au centre de tensions et sa
santé fait l'objet d'informations contradictoires. La décision d'ouvrir son procès
et celui de ses fils Alaa et Gamal
le 3 août s'est faite sous la pression de la rue. Sa santé fait l'objet de
déclarations confuses. Ses avoirs sont gelés mais le montant exact de sa
fortune reste inconnu. Nombre de ses amis sont en prison alors que d'autres
font partie du nouveau pouvoir, provoquant la colère des manifestants qui
occupent la place Tahrir au Caire. Contraint à la
démission après une révolte de 18 jours entamée le 25 janvier, l'ancien maître
de l'Egypte, 83 ans, a été admis en avril dans un hôpital de Charm el-Cheikh, dans le sud-Sinaï, pour des problèmes cardiaques.
Depuis sa chute et son départ pour cette station balnéaire où il dispose d'une résidence, il n'est jamais apparu en public. Dans un bref message sonore enregistré diffusé le 10 avril, il se dit victime de diffamation. Il est inculpé pour deux motifs: corruption et responsabilité dans la mort de manifestants durant le soulèvement de janvier-février. Des accusations graves passibles de la peine de mort mais qui laissent à l'écart de nombreux aspects de son règne autoritaire. Au coeur du dilemme égyptien, les militaires qui dirigent désormais le pays. Hosni Moubarak, comme tous les présidents depuis la chute de la monarchie en 1952, est un des leurs. Le patron du Conseil suprême des forces armées (CSFA), le maréchal Hussein Tantaoui, désormais chef d'Etat de fait, fut son ministre de la Défense pendant vingt ans. "Son cas embarrasse la corporation militaire dans son ensemble et le maréchal Tantaoui en particulier", estime Moustafa Kamel el-Sayyed, professeur de sciences politiques à l'université du Caire. Juger l'homme qui a dirigé l'Egypte pendant trente ans, supposé au courant de tous les secrets du pays, peut aussi mettre beaucoup de monde en difficulté, au-delà des militaires. "Beaucoup pensent qu'il pourrait faire des révélations embarrassantes", estime M. Sayyed. Certains redoutent ainsi une ouverture de procès en trompe-l'oeil. Après une brève séance inaugurale, la suite pourrait être reportée de plusieurs semaines en invoquant un complément d'enquête, une dégradation de sa santé, les vacances judiciaires ou les rigueurs du jeûne du ramadhan qui commence début août. "Il est possible que le procès soit remis à plus tard et que la date d'ouverture ait été soigneusement choisie pour cela", estime M. Sayyed. "Les militaires ne veulent pas voir un militaire condamné", assure pour sa part Emad Gad, du centre al-Ahram d'études politiques. "Ils essaient de gagner du temps dans l'espoir qu'il décède d'ici là", pronostique-t-il froidement. Le pouvoir envisage que le procès se tienne à Charm el-Cheikh au lieu du Caire, peut-être même dans la chambre d'hôpital de l'ancien raïs pour des raisons de santé et de sécurité. "Je veux voir M. Moubarak devant un tribunal, je veux un procès ouvert qui se tienne dans la capitale", proteste Bola Abdou, 23 ans, un militant pro-démocratie qui campe sur la place Tahrir. La santé de M. Moubarak fait l'objet d'informations rares, souvent contradictoires. Son avocat, Farid el-Dib, a déclaré en juin que son client souffrait d'un cancer de l'estomac et en juillet qu'il était dans un "coma complet", des informations toutefois démenties par l'hôpital et par le ministère de la Santé. Diverses sources médicales ont assuré qu'il était dépressif. Le journal indépendant al-Chorouq a évoqué la possibilité que les honneurs militaires lui soient rendus s'il mourait avant d'être condamné. |
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